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— Tu m'amènes où ?

Selim marche derrière elle, alors qu'elle l'a forcé à la suivre à l'aube. Ils viennent de rentrer, et si les trois autres se sont enfuis vers leurs chambres respectives, Angèle a rappelé au brun qu'elle devait lui montrer quelque chose.

Enfin plutôt un endroit. Sa bulle. La plage et le ciel.

— On est arrivé à destination, informe-t-elle en étalant sa veste sur le sable pour s'asseoir.

Le brun l'imite et les deux contemplent un instant le paysage. Elle n'arrive pas à sourire. La première nuit de festival reste une énorme catastrophe. La brune ne se sent pas encore complètement dans son assiette et l'heure passée à s'apitoyer sur son sort a donné naissance à d'énormes poches sous ses yeux.

La plage est silencieuse. C'est harmonieux.

Là, dans l'attente du lever du jour, elle n'espère qu'une chose. Qu'il comprenne. Qu'elle lui offre un refuge. Et qu'elle enterre pour de bon ce qui la ronge au plus profond d'elle.

— Woah.

Il n'y a pas besoin de réfléchir pour comprendre que le soleil est en train d'oublier les étoiles. C'est très beau. Bluffant, voire renversant. Mais elle se sent comme si elle était chez elle, dans son petit monde rien qu'à elle.

Selim regarde le ciel. Angèle le regarde, patiente, attend un peu avant qu'il ne l'observe en retour. Leurs regards se bloquent, se disloquent et tentent de trouver l'autre. Ses yeux cherchent de la lueur, trouvent du reflet, cachent une ombre, mais brillent d'un noir abstrait.

Et puis... il sourit. D'un coup, avec d'énormes fossettes qui ouvrent son visage. Il brille presque plus que le soleil. Selim brille tellement plus que le soleil.

— Voilà, mon refuge provisoire. Je te le prête. Ça t'évitera la grasse mat', achève-t-elle tout bas, le cœur brisé, mais recollé à la fois.

*

Sur le trajet du retour, ils ne se parlent pas vraiment, sauf rentrés à la maison, où l'atmosphère étrange qui planait s'est évaporée d'un seul coup en voyant Isidore allongé sur le canapé, à manger devant un film. Encore.

Angèle fronce les sourcils, mais n'émet aucune remarque.

Le blond a l'air vraiment fatigué ces derniers temps. Néanmoins, il ne dort jamais et la brune ne sait vraiment pas comment interpréter son manque de sommeil conséquent. Peut-être qu'elle en parlera à Co' finalement.

À l'étage, elle se prépare à saluer Selim qu'elle suivait jusque là, tous les deux plantés devant la porte de sa chambre.

— C'était comme une pause dans ma vie, remarque-t-il sincèrement.

La brune acquiesce. Mais sur le point de partir, il l'arrête.

— Merci, Ange.

Et sans rien dire de plus, le brun dépose un baiser sur son front. Le contact est si éphémère qu'Angèle a l'impression que rien n'est arrivé. C'était simple, tendre, doux. Du Selim tout craché.

Angèle a trouvé ça ambigu de retour dans sa chambre. Mais elle sait qu'ils sont réellement ambigus ces derniers temps.

Le lit l'appelle et elle soupire de satisfaction en sautant dessus. De mauvais joints, des danses peu cohérentes, des baisers ratés, des pleurs attristés, des étoiles et des amis, accompagné par le soleil d'un sourire qu'elle admire. Le bilan n'est ni trop mauvais ni trop bon. Angèle sourit. L'adolescence, c'est un peu ça au fond.

FlûteWhere stories live. Discover now