Chapitre 15

119 18 3
                                    

-Tu me sembles bien pensive, dis donc !

Interrompue dans mes pensées sombres, je me retourne pour faire face à mon interlocuteur. Pothos me regarde tout sourire mais je peux sentir une pointe d'inquiétude dans ses yeux d'un bleu profond. Je tente de lui sourire en retour pour le rassurer mais ma tentative est un échec car je me retrouve avec une vulgaire grimace figée sur le visage.

-Tu sais bien que tu peux me confier toutes tes inquiétudes, ma belle. Dis-moi ce qui te tracasse.

Malgré toute l'affection que je ressens pour lui, je ne peux pas simplement lui annoncer que le frère de son maître me manque terriblement. Il ne saurait rien faire pour me venir en aide et trahirait son roi en lui cachant mes préoccupations.

C'est pour quoi je décide d'inspirer un bon coup et de changer de sujet en discutant du temps avec lui. Il remarque sans problèmes ma fuite mais, à mon plus grand soulagement, ne m'en fait pas la réflexion. 

Tandis qu'il me raconte son programme de la journée, je me remémore notre première rencontre et l'impact qu'elle a eu sur ma santé mentale qui était, pourtant, compromise.

Les larmes coulaient le long de mes joues, encore... Je ne faisais que pleurer depuis des jours mais là, c'était bien plus. La sensation de ses mains sur mon corps était encore présente et me dégoûtait plus que tout. Je voulais vomir, je voulais m'arracher la peau pour ne plus rien sentir. Plus que tout, je voulais disparaître. 

C'est dans cet état qu'il m'a trouvée, ce beau blond chaleureux est directement venu me consoler, sans même savoir qui j'étais. Durant, les quelques minutes durant lesquelles nous avons parlé, j'ai pratiquement oublié la douleur terrifiante qui ne me quittait pas depuis cette nuit-là.

Je peux maintenant le dire avec affirmation, sa présence seule m'a sauvé la vie. Seule, séparée de toutes les personnes que j'aimais et violée par ce monstre, je ne pensais qu'au suicide pour enfin être libérée du fardeau de la vie.

-Aleyna, tu es avec moi ?

Je secoue la tête pour revenir dans le monde réel et je lui souris, un vrai sourire, cette fois. 

-Désolée, tu disais ?

Je crois que Pothos est au courant de mon statut mais nous n'en avons jamais parlé. Il sait que ça me mettrait mal à l'aise et je suis heureuse d'avoir au moins un ami dans ce lieu si hypocrite.

Nous parlons ainsi pendant de longues minutes avant de nous faire interrompre par Hikétis.

-Mademoiselle ! Désolée de vous déranger, mais vous devez me suivre... Maintenant !

Je suis déçue de devoir laisser mon ami si tôt mais il m'est très rare de voir ma servante dans un tel état et je préfère faire ce qu'elle me demande. Il doit s'être passé un truc grave. Je m'excuse auprès de Pothos et sors de l'écurie, accompagnée par ma suivante. 

Pothos est le fils bâtard d'un noble du palais et de son esclave étrangère. Quand il était petit, l'ancien roi lui a donné un poste auprès des chevaux et ça lui a sauvé la vie, on peut le dire. Il n'a pas du faire la guerre, n'a pas été vendu comme esclave sexuel et n'a pas non plus été violenté voir même exécuté pour avoir des origines étrangères.

Il a gardé une joie de vivre et des yeux brillants en permanence. C'est une vraie bouffée de chaleur en ce palais rempli de meurtres et de complots.

Une fois de retour dans ma chambre, je m'adresse à Hikétis.

-Que se passe-t-il ? Tu me sembles inquiète...

-Le roi a prit la décision de faire sortir votre oncle de prison. Il sera escorté hors du palais cette nuit-même.

-Pourquoi ne suis-je pas au courant de cette histoire ?

Elle me regarde avec un air de pitié avant de me répondre.

-Tant que vous croyez votre oncle enfermé, vous ne risquez pas de vous échapper et il se sent en sécurité. Cependant, ses opposants lui mettent la pression en l'accusant d'enfermer un innocent et des rumeurs courent sur le fait que le prince serait à la tête de ce groupe.

En entendant parler de Nicomède, mon cœur fait un bond mais je me reprends et la remercie doucement. Hikétis, bien que plutôt libertine, est une perle. Elle est connue pour ses relations particulières avec les gardes hauts placés et les nobles importants. C'est sûrement grâce à ça qu'elle a eu vent de toutes ces informations d'une extrême importance.

-J'ai déjà prit mes dispositions, tu auras quelques minutes pour lui parler, ce sera peut-être la dernière fois que tu en auras l'occasion.

Suite à ses paroles, je ne peux retenir ma joie et la serre dans mes bras. Elle est tout d'abord surprise mais elle se détend rapidement et me rend mon étreinte.

-Aleyna... Quand il sera loin du palais, profitons-en pour fuir, nous aussi.

Je m'éloigne d'elle directement et la regarde, étonnée. Elle et moi sommes devenues de très bonnes amies ces dernières semaines. Avec Pothos, elle a été un soutien considérable et m'a aidé à gérer les conséquences de mon viol d'une manière que seule une femme qui a été, elle-même, violée, peut connaître.

Son passé en tant que prostituée lui a procuré de certaines connaissances et elle a pu, en outre me permettre d'éviter une grossesse indésirée. C'est fou ce que certaines plantes peuvent accomplir comme miracle. 

Mais je la sais bien ici. Bien sûr, elle reste une esclave et est considérée comme un objet sexuel par de nombreux hommes mais elle a su se forger une réputation et une armure telles que personne ne s'oserait à la blesser. En quittant le palais avec moi, elle deviendrait une fugitive.

J'ouvre la bouche dans le but de refuser sa proposition mais, avant que je n'ai pu dire quoi que ce soit, elle approche son visage du mien et m'embrasse doucement dans le but de me couper.

Je me retrouve surprise et perplexe mais j'ai pour réflexe d'accepter son baiser. Il est doux, bien plus agréable que ceux offerts par Rhigos qui étaient forcés. Elle n'a pas cet aspect piquant du à la repousse des poils que Nicomède avait. Je me sens protégée, dans ses bras, protégée de la violence des hommes.

Je profite durant quelques secondes, ne pensant qu'à la douceur rassurante de ses lèvres contre les miennes puis je réalise ce que je suis en train de faire et m'écarte brusquement.

-Qu'est-ce qu'il te prend ?! Si le roi venait à avoir vent de cette histoire, tu te ferais exécuter !

Elle me sourit tristement.

-Qu'est-ce que je peux y faire ? Je t'aime follement et c'est comme ça... Je t'en prie, pars avec moi ! Je ne te demande pas de m'aimer, juste d'être heureuse hors de cet enfer.

Je me retrouve perplexe... Hikétis est une femme magnifique devant laquelle tous, hommes comme femmes, tombent et elle m'aime ? Comment quelqu'un de si libre, fier et incroyable peut il être tombé pour une fille fade comme moi ?

De toute façon, je ne peux malheureusement partager ses sentiments. Celui que j'aime et que j'aimerai toujours est Nicomède. Je ne peux juste pas l'oublier et elle le sait très bien. 

Quand je la vois sourire d'une manière résignée, je comprends qu'elle a conscience de mes sentiments et qu'elle n'a pas d'espoir vain. 

Je réfléchis de longues minutes avant de lui donner ma réponse. 

-Non, je n'irai pas le voir. Ce serait trop dangereux et si nous venons à nous faire prendre, tu te retrouverais dans de gros problèmes. En plus, il ne nous serait plus possible de fuir. Je verrai mon oncle lorsque nous serons tous en lieu sûr.

Je ponctue ma phrase d'un clin d'œil et je vois son regard s'illuminer. Nous serons partis de cet endroit affreux dans deux jours. 

Nicomède, attends-moi, nous serons bientôt réunis après si longtemps. Tu me manques tellement mon amour, si tu savais...

AleynaWhere stories live. Discover now