Chapitre 4

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-Je t'en prie, va plus vite mon grand, elle doit être tellement inquiète.

Tout en demandant à mon cheval déjà au galop de se presser, j'aperçois les champs d'Aleyna et de son grand-père et commence à me détendre. 

Ces deux derniers jours, j'ai été retenu par une affaire d'une extrême importance et il m'a été impossible pour moi de venir l'aider. J'ai pensé, au début, à lui envoyer un messager pour la prévenir mais je me suis dit que cela ne durerait pas trop longtemps et qu'il était inutile de déranger quelqu'un pour ça mais je me suis trompé. 

J'espère qu'elle ne m'en voudra pas, je préfère voir la joie sur son visage plutôt que la déception.

Arrivé près de sa maison, je m'étonne de ne pas la voir en train de travailler et de faire face au silence. Cette situation m'inquiète et je m'empresse donc de descendre de mon cheval pour aller retrouver celle qui, malgré moi, a hanté mes pensées ces deux derniers jours durant lesquels je ne l'ai pas vue.

En entrant dans la cabane, une odeur de pourriture me prend à la gorge et j'ai du mal à ne pas vomir. D'ailleurs, j'aperçois ce qui semble être une flaque de vomi à terre et des tâches de sang près de la porte. 

Les meubles déplacés et le désordre dans la pièce principale me mettent en état de panique. Où peut bien se trouver Aleyna ? Est ce qu'elle va bien ? Je n'aurais jamais du la laisser seule, que faire si il lui est arrivé quelque chose, si je ne la vois plus jamais ?

Avec la peur dans le ventre, je commence à crier son nom, priant pour qu'elle se manifeste mais seul le silence daigne me répondre. Sans perdre de temps, je commence à fouiller le moindre recoin de la maison et, quand j'arrive devant la chambre de son grand-père, la seule pièce de la maisonnette dans laquelle j'ai l'interdiction d'aller, je n'hésite qu'une petite seconde avant de l'ouvrir.

Directement, je remarque que l'odeur pestilentielle qui est présente dans la maison provient de la chambre et, cette fois-ci, je ne peux me retenir et recrache tout mon déjeuner.

Mais que s'est il donc passé ici ? 

Alors que je suis sur le point de ressortir, ne supportant plus la puanteur régnant en ces lieux, des légers sanglots me font changer d'avis.

Difficilement, je m'approche du centre de la pièce pour apercevoir Aleyna, roulée en boule, ne lâchant pas la main de la personne à ses côtés. 

Non, ce n'est pas possible, je dois me faire des idées, il ne peut pas... Sans bouger la fille en larmes, je m'attarde sur la personne allongée pour prendre son pouls et, quand je remarque que son corps frigorifié semble avoir perdu la vie depuis déjà de nombreuses heures, je comprends la raison de l'étrange odeur.

Mon sang se glace quand je m'imagine qu'Aleyna est, depuis je ne sais combien de temps, seule auprès de lui sans savoir quoi faire et sans avoir quiconque  à ses côtés pour la soulager de sa souffrance.

Je m'en veux tellement de ne pas être venu plus tôt, de ne pas avoir envoyé quelqu'un pour l'aider, de l'avoir laissée vivre ça toute seule... Je n'ai aucune excuse.

Sans geste brusque, je détache délicatement la main d'Aleyna de celle de son grand-père. Ça n'a rien de sain pour elle de rester accrochée à lui comme ça.

Quand elle remarque qu'elle n'a plus aucun contact avec lui, elle commence à s'agiter et à crier et, en essayant de la calmer, je me prends de nombreux coups. Je ne sais pas quoi faire pour la rassurer, je suis totalement perdu et ses gémissements n'arrangent rien du tout.

Mais, alors que mon cœur se serre, une fois de plus, en voyant ses larmes, j'agis sans songer aux conséquences que pourront avoir ce que je fais.

J'attrape sa tête entre mes mains et, sans lui laisser le temps de se défaire de ma prise, je l'embrasse. Au début, elle résiste, panique mais je la sens, au fur et à mesure, se détendre et, quand je la relâche finalement, elle est redevenue paisible et vient se blottir dans mes bras, certainement pour ressentir une chaleur qu'elle n'a pas du trouver ces derniers jours.

-Il... Il est mort... Ils l'ont tué, ils l'ont tué...

Sa première affirmation ne m'apprend rien mais la seconde, quand à elle, m'inquiète.

-Qui ? Qui a bien pu faire cette horreur ? Et pourquoi ?

Je la sens trembler dans mes bras, se rappeler de cette scène doit être très difficile pour elle mais je dois savoir si quelqu'un leur voulait du mal, à elle et son grand-père.

-Je ne les connaissais pas, ils en voulaient à nos biens et ils ont voulu me vendre en tant qu'esclave mais il ne les a pas laissés faire. Il a voulu me défendre alors ils l'ont battu à mort...

Un grand silence suit son récit, un silence durant lequel j'assimile les informations. Ces bâtards ont voulu la vendre et l'éloigner de moi. Je ne leur pardonnerai pas.

-Il était malade, il ne pouvait même plus quitter son lit et il s'est quand même attaqué à eux, il a réussi à trouver l'énergie pour foncer dans celui qui me tenait. Et eux, ils n'en ont rien eu à faire d'être en face de quelqu'un de plus faible qu'eux, ils ne s'en sont pas soucié...

Je ne sais quoi lui répondre, je ne connais pas sa douleur. Je n'ai jamais eu personne qui se sacrifierait pour moi comme ça... Mon père et pratiquement tous mes autres frères vivent dans une autre cité et le seul membre de ma famille qui est présent à mes côtés est un être abject qui ne pense qu'à sa propre personne.

Néanmoins, j'ai connu le vieil homme et je l'appréciais vraiment alors je partage sa tristesse même si il est sûr qu'elle est beaucoup moins forte. 

Je n'ai pas besoin de réfléchir plus de quelques secondes pour lui faire une proposition.

-Tu ne peux pas rester seule ici, c'est trop dangereux pour une jeune fille de ton âge. De plus, imagine si ces monstres revenaient, tu ne pourrais rien faire... Viens avec moi en ville, j'ai une maison pour toi là-bas.

En m'entendant, je vois son visage perdre le peu de couleurs qu'il lui restait.

-Non, je ne peux pas partir d'ici, il va arriver et je dois être là pour l'accueillir.

Sans comprendre pourquoi, je me retrouve blessé par ses mots. Savoir qu'elle ne veut pas partir avec moi, préférant attendre un autre homme me blesse. Je constate qu'une pointe de jalousie me transperce le cœur, me laissant rempli d'aigreur.

Comment cela se fait-il ? Pourquoi est-ce-que je panique autant de la savoir seule, de la voir malheureuse et d'avoir failli la perdre ? Pourquoi l'ai-je embrassée tout à l'heure ? Et pourquoi ai-je aimé ça ? Est-ce qu'il se pourrait que... Se pourrait-il que je l'aime, que je sois amoureux d'elle ? C'est la première fois que je pense ressentir ce fort sentiment appelé amour et je ne suis pas sûr de moi quand à la véracité de mon ressenti.

De toute manière, ce n'est pas ça qui est le plus important actuellement, la chose à laquelle je dois penser est la manière que je dois utiliser pour convaincre Aleyna de me suivre.

Il est hors de question que je la laisse seule face au danger en attendant un homme qui viendra je ne sais quand.

-Très bien ! Dans ce cas, j'attendrai une semaine à tes côtés pour attendre son retour mais si, une fois les sept jours passés, il n'est pas encore là, nous laisserons un message et nous partirons d'ici tous les deux. Ça te va ?

Je la vois hésiter mais, comprenant que c'est la meilleure solution, elle acquiesce.

Et c'est parti pour passer une semaine avec une fille que j'aime peut être et un cadavre dans une des chambres... Existe-t-il plus glauque comme situation ?

AleynaHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin