Chapitre 5-Accommodation- [Ajouté]

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Elle prononça cette phrase avec un sourire appuyé, pour apaiser la culpabilité de son père, sans aucun doute, mais aussi certainement pour se convaincre elle-même.

―Mais c'est plutôt ma responsabilité envers mon peuple qui s'en trouve remise en cause.

Son père acquiesça. Il s'attendait visiblement à cette réponse qui semblait représenter à elle-seule la raison de leur venue. Il n'y avait plus de trace de colère dans son regard.

―C'est bien ce que je voulais te démontrer. Ton peuple a plus besoin de toi en Algarie qu'à Wayton.

Les montagnes de l'Est apparaissaient à quelques centaines de mètres, révélant l'entrée des mines de diamants. Les deux parents échangèrent un regard noisette.

―Il est temps que tu visites les mines, Aurore.

―J'ai déjà visité les mines l'année dernière, assura-t-elle, en avançant tout de même.

Le roi Robert secoua la tête et rectifia ses dires :

―Tu as vu les mines. Tu ne t'es jamais immergée en elles.

L'idée d'aller sous terre, dans le noir, rebuta la jeune femme, si bien qu'elle stoppa sa marche. Mais elle serait sortie bien vite. Il lui suffirait de faire un aller-retour pour satisfaire son père et les mineurs qui étaient déjà affairés à l'extraction de la précieuse pierre. Principale ressource du royaume, leurs rendements baissaient, ce qui inquiétait le roi au plus haut point. Elle savait qu'une alliance avec le royaume d'Algarie leur permettrait un appui militaire, mais également économique si le besoin s'en faisait ressentir.

Des yeux surpris et admiratifs à la fois se tournèrent vers elle et le silence se fit. Seul le bruit du vent venait couvrir le grincement des seaux remplis de diamants. Des enfants de cinq, six ans, parfois moins sortaient la tête des charrettes pour connaître la raison de cet arrêt d'activité.

Un homme se détacha de l'assemblée et vint faire la révérence

Aure s'approcha des puits qui étaient les seuls signes extérieurs de la présence des mines et se décida à aller à la rencontre des habitants. Des hommes et des femmes observaient ses pas mal-assurés avec une bienveillance plus ou moins assumée, certains ne semblaient absolument pas convaincus par sa présence et méprisants, des enfants la regardaient avec avidité, une jeune femme, qui devait avoir à peu près le même âge qu'elle, lui adressait un regard mauvais.

Aure jeta un coup d'œil à son père. Se confronter à quelqu'un pourrait lui faire gagner un temps précieux, et si cette jeune fille, qui n'avait pas l'air timide, devenait un peu trop agressive, il se pourrait qu'ils rentrent directement, sans même passer par les mines. De plus, Aure se montrait toujours calme et douce, l'arme ultime de la féminité, et les quelques affronts que la jeune femme pourrait mener contre elle n'entacheraient en rien sa réputation. D'un autre côté, si elle ne savait contrer ses remarques, elle paniquerait sans aucun doute.

Aure prit son courage à deux mains et s'avança à sa rencontre. Elle voulait rentrer au plus tôt.

―Bonjour. Quel est ton nom ?

La jeune femme ne sut que faire. Elle hésitait visiblement entre son air méprisant et une attitude respectueuse. Un seul regard à un homme à côté d'elle, qu'Aure devina être son grand frère, lui fit courber l'échine et baisser les yeux.

―B'rtille.

Elle ne se rebellerait pas. Il ne servait à rien de continuer la conversation, celle-ci ne l'empêcherait pas de s'enfoncer dans les mines. Mais maintenant que la discussion était engagée, elle n'avait d'autre choix que de continuer. Un mauvais mouvement de plus.

―Et quel âge as-tu Bertille ?

―Treize ans.

A cette réponse, Aure ne parvint pas à cacher sa confusion. Elle s'était complètement trompée sur l'évaluation et contempla de nouveau la jeune fille avec beaucoup plus d'attention, ses ongles noirs, usés par l'extraction des pierres et ses mains à la peau déjà bien abîmée pour un si jeune âge. Les poussières nocives creusaient la peau de son visage par endroit. Il y avait des trous dans ses habits de mineurs et toute forme de brillance et de douceur avait quitté ses cheveux, comme ceux de personnes habituellement beaucoup plus âgées. Aure parvint à déterminer que cette jeune fille n'était pas encore devenue une femme malgré ses vêtements trop amples pour son corps si maigre, qu'ils laissaient par endroits deviner les os.

Aure lui adressa un sourire et se dirigea vers l'entrée des mines sans dire un mot.

―Princesse, vous d'vriez pas, vot' robe elle va être salie ! lui conseilla le mineur chargé de faire descendre la plate-forme.

Aure contempla sa tenue. Sa robe était effectivement très richement ouvragée avec de multiples tissus et des perles cousues à même le corset. Plus encore, elle était blanche.

―Peu importe, conclut-elle, faites-moi descendre.

Aure Pourpre [Terminé]Where stories live. Discover now