La rencontre [terminé]

Chapitre 11 : Coexistence

Ce n'était plus Bertrand qui parlait, c'était son colocataire. Sa voix est surnaturelle, comme celle de mon Symbiote. Le Symbiote de Bertrand me regarde avec un large sourire encore, un sourire forcé, pas pour dissimuler une quelconque supercherie, mais comme si le symbiote ne savait pas sourire. Je sens alors une sensation étrange parcourir mon corps, et ce dernier commence à bouger, tel un pantin manipulé par son marionnettiste. Je suis surpris, mais je ne résiste pas, par curiosité ou par résignation. Ma main verte gélatineuse vient à la rencontre de sa main transformée en pâte bleu, et les deux se mélangent harmonieusement. Je ne comprends pas ce qu'ils font, c'est une espèce de salut, comme une poignet de main entre humain. Nous retrouvons après cette échange nos mains respectives, que Bertrand recrée en humaine. Je me retrouve avec ma main gélatineuse, une nouvelle fois.
    « Merci de laisser mon ami prendre votre être.
    - Ai-je le choix, je lance sans émotion, comme d'habitude, et en reprenant possession de mon corps.
    - Nous sommes désolé de ce qu'il est arrivé, me lance-t'il sans conviction.
    - J'aimerai que vous ailliez des sentiments pour me dire cela, comme moi je devrais être en colère, triste, ou en dépression, alors que je ne peux qu'accepter mon sort sans éprouver d'émotion. J'ai tant de questions, tant de chose à réapprendre, à commencer par découvrir mon passé.
    - Je comprends, je ne sais quoi dire pour vous rassurer, sachez que je vous respecte par la façon dont nous parler, d'égal à égal. Mon hôte a prit beaucoup de temps avant de comprendre, et de m'accepter. Soyez heureux d'avoir trouvé un guide avec mon hôte et une mémoire perdue, cela ne vous fait pas poser encore plus de question. Je ne peux vous en apprendre d'avantage, vous l'apprendrez de vous-même auprès de mon ami, de notre ami.
    - Pourquoi l'appeler "ami" ? N'a-t'il pas de nom, et vous non plus ?
    - Je sais que votre espèce n'est pas ami entre vous, que c'est une notion, un qualificatif qui se mérite. Nous sommes ami naturellement entre nous, pour simplifier, car la réalité est plus complexe, mais similaire tout de même. Nous sommes tous amis, car il n'existe pas autre chose. Et nous n'avons pas de nom comme vous les humains, ni de qualificatif, appelez-vous Symbiote, ou Chose, ou Monstre, ce qui vous plaira. »

Je reste perplexe, je devrais l'être après tout cela. J'ai tant de question à poser, mais je n'ai pas le temps de faire cette réflexion qu'une voix hante ma tête.
    « Je répondrai à toutes tes questions, toutes les questions dont j'aurai la réponse seront tes réponses.
    - Oui, je pense, de toutes façon, tu connais mes questions je suppose. »

Il ne répond pas, de toute façon, je connais déjà sa réponse. Le sourire s'efface du visage de Bertrand, qui reprend alors le contrôle de sa bouche :
    « Voilà, tu sais tout, ou presque. Le reste, ton symbiote t'expliquera. Tout ce que je te demande, c'est de laisser le contrôle de ton corps quand il le voudra, de lui faire confiance, et de l'accepter.
    - Oui, je réponds, quel choix ai-je sinon ?
    - Je sais, mais tu apprendras à faire confiance et à être ami, et tu comprendras alors que cet accident n'est pas une si mauvaise chose. »

Il se retourne, et va à l'étage dans la salle de sport. Il fait alors des exercices, comme un homme normal, avec des haltères, faisant ensuite du step et du rameur. Je le regarde de longues heures comme cela, en silence. Il sue dans son corps d'homme, je ne comprends alors pas pourquoi s'infliger cela, pourquoi faire des exercices alors qu'il peut faire beaucoup d'autres choses. J'aimerai avoir un corps aussi, mais je suis encore qu'un gros tas verdâtre. Ça sera la première question que je demanderai à mon ami forcé, avec recouvrer la mémoire et mes émotions. J'ai malheureusement l'impression que la chose est impossible pour les deux autres demandes. Je dois accepter ma nouvelle vie, et coexister avec une autre personne, ou exister tout court. Le jour où j'existerai au lieu de coexister, je pourrai vivre ma vie, mais en attendant, je dois tout connaître de mon Symbiote, et apprendre à l'accepter.