Chapitre 10 : Acceptation

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Je me regarde dans le miroir du salon. Le reflet me fais renvoyer un pâté vert visqueux, où seul la bouche est une ouverture dans ce corps. Mes yeux bleus sont deux billes, qui regardent dans le vide, sans émotion encore, même pas du dégoût.
    « Si je n'ai pas envie de l'écouter ?
    - Tu devras rentrer en contact avec lui, tôt ou tard, et plus tôt sera le mieux, me répond Bertrand. »

Je me regarde à nouveau. Je suis pathétique, je devrais l'être, mais je ne peux rien y changer. Je me retourne, et j'accepte. :   
    « D'accord, allons-nous alors.
    - Tu sais que tu peux rentrer dans n'importer quel ouverture, tu es très flexible. Ce corps nous permet de nous déplacer sur n'importe quel terrain. Rien ne peut te blesser à ma connaissance, te tuer encore moins. Tu avales ce que tu veux dans ton corps pour grandir, et tu peux le recracher dans sa forme initiale. Tu es aussi grand, tout simplement parce que tu n'as rien recraché. Tu peux prendre n'importe quel apparence, mais avant tout, il faut que tu parles à ton symbiote.   
    - Comment je dois faire ?
    - Ouvres ton esprit, acceptes ton sort... »

Je ferme les yeux. Je pense à mon aventure jusqu'ici, je n'ai que ça à me souvenir. Je me visualise l'accident. La voiture en lambeau, la nuit profonde dans cette campagne d'Alsace, l'herbe fraîche, la brise que je ne sens pas sur ma joue mais qui fais bouger les arbres. Et puis je me vois m'extirper de la voiture, de façon anormale, à étirer mon corps vert et gélatineux, je me redresse et je me fais face. Mais je suis qui si je me regarde en moment ?
    « Bonjour...»

Il a une voix différente, une voix lointaine, une voix anormale.
    « Qui es-tu, je lui demande.
    - Je suis toi maintenant...
    - Qui étais-tu avant moi ?
    - Je ne sais pas...»

Je ne comprend pas ce qu'il veut me dire, mais il continue, m'évitant tout autre réflexion :
    « Acceptes-moi...
    - Non.
    - Je ne sais pas où aller...
    -Retournes d'où tu viens !
    - Je ne peux pas...
    - Je ne t'accepterai pas, jamais !
    - Je vais mourir sans toi...
    - Je suis mort à cause de toi...
    - Laisses-moi vivre en toi, nous vivrons ensemble...
    - Je suis mort !
    - Donnes-moi... une chance. »

Je ne sais pas quoi dire. À quoi bon, je suis condamné, je dois vivre à cause de cette... chose.
    « Je suis seul...
    - Que veux-tu de moi ? »

Je me vois alors me tendre la main. Je n'ai pas envie de lui rendre la pareille.
    « Qu'as-tu à m'offrir ?
    - Tout.
    - Que dois-je t'offrir en échange ?
    - Tout. »

Je respire un bon coup, et je tend la main. Il me sourit, un sourire si radieux, un sourire de soulagement. Et pourtant, ce sourire, venant d'un monstre, à peine visible dans ce tas de liquide verdâtre, en devient humain. Comme ses yeux bleues, si livide, si uniforme pourtant, et qui me regarde avec insistance. Nos deux mains se touchent enfin, et le monstre commence à grimper son corps liquide sur moi, le bras, puis l'épaule, il descend ensuite tout mon corps, pour l'absorber entièrement, je sens son corps fusionner avec le mien, je ne fais plus qu'un maintenant avec le symbiote...
J'ouvre les yeux. Je suis devant le miroir du salon de Bertrand. Je suis toujours ce tas humanoïde, sans aucune émotion. Et puis, soudainement, un sourire fend mon visage, un sourire radieux. Mais je ne contrôle pas ce sourire. Je me retourne vers Bertrand, qui me regarde, avec le même sourire, et me dis :
    « Merci d'avoir accepté mon ami. »

La rencontre [terminé]Where stories live. Discover now