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Je mets mon plan à exécution ce soir. Parce que pour l'instant je dois sortir en ville, une nouvelle mission, c'est-à-dire une nouvelle personne à interroger sur ses tords et s'ils ne me paraissent pas mauvais, l'aider à s'en sortir, lui créer une nouvelle identité, un nouveau passé, une nouvelle vie quoi. J'ai déjà sauvé douze personnes de cette manière.

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Je sors et commence à courir vers les quartiers riches, là où est la maison de la femme que je dois interroger. Lorsque j'arrive devant, je surveille les alentours, pour vérifier que personne ne puisse me voir puis rabats ma capuche sur mes yeux et entre dans la maison.

J'explore la maison avec mon efficacité et ma rapidité habituelle lorsque soudain, alors que je passais devant une porte entrouverte, une voix d'homme m'arrête et me fige sur place.
Le premier garde, un homme qui est chargé de surveiller mes cibles durant deux semaines avant que je ne passe à l'action, m'a pourtant dit que le mari travaille tôt le matin et me l'a confirmé avant que je ne parte. Serait-ce un guet-apens pour me liquider ?
Je pousse tout doucement la-dite porte et ce que je vois me fait lâcher un soupir dégoûté. Il y a un homme avec ma cible et tout les deux sont dans la tenue d'Adam et d'Ève. Mais ce qui me choque le plus c'est l'identité de l'homme. C'est le nouveau chef de l'Organisation de la ville ! C'est-à-dire ce même homme qui m'a demandé de venir descendre cette femme. Je fronce les sourcils puis hausse les épaules. Certainement pour vérifier que rien ne puisse altérer mon jugement et les ordres donnés. Je tire ma lame et tousse discrètement. Le chef se redresse d'un coup en serrant la couette contre lui tandis que la femme se lève précipitamment et plaque le drap contre son corps. Je tire à cette vitesse qui ébahit toujours les gens et placarde la femme au mur, sans la blesser, simplement attachée voire carrément même ligotée, au mur par son drap. Désormais incapable du moindre mouvement, elle se contente de me laisser m'approcher, et de sourire comme une sadique très fière du coup qu'elle prépare et en même temps de me foudroyer du regard. Cette attitude me fait irrévocablement comprendre que je ne tenterais rien de flagrant pour la sauver. Dans le silence qui règne dans la pièce alors que je me mesure du regard avec cette femme, le frottement caractéristique du tissu sur de la peau ne passe pas inaperçu pourtant je fais semblant d'être trop plongée dans mon combat de regards pour l'entendre. Je me maudis pour avoir verrouillé mes appuis en me postant devant cette femme parce que mon corps va être un peu plus lent à réagir. Je cesse le moindre mouvement. Je suis une cible facile, même pour un débutant, pourtant, lorsque j'efface les épaules pour laisser passer la lame et que je bondis en arrière, celui qui est censé être le plus doué de tout les membres de l'Organisation n'a pas le temps de tourner sa lame et l'enfonce dans le cœur de sa propre maîtresse. Il lâche un cri mêlant désespoir et rage. Juste avant de mourir la femme a le temps de lâcher quelques mots que je ne comprends pas.

- Tu sais ce qu'il te reste à faire...

Sa tête tombe sur sa poitrine. Le chef me jette un regard plein de haine, ce même regard que je lui ai lancé il y a deux ou trois semaines, sort la lame de la plaie et se la plante dans le ventre. Il s'effondre lentement, et meurt.

Je pousse un cri digne à réveiller les morts, que je coupe en posant les deux mains sur ma bouche. Brutalement, c'est comme si tout ce que j'avais dans la tête disparaît.

Pourquoi a-t-il fait ça ?!

Il est environ quatorze heures trente lorsque je rentre à la base. J'ai dû prendre une heure, pour me calmer, histoire de me remettre de ce suicide passionnel qui venait d'avoir lieu sous mes yeux.
Bien sûr, c'est la cohue la plus totale mais lorsque j'ouvre la porte de l'immeuble qui sert de QG à l'Organisation, le brouhaha terrible que l'on pouvait percevoir de dehors s'interrompt brutalement remplacé par un silence effrayant.

- Où est le chef ?! Hurlent plusieurs voix en chœur.

- Il est en train d'exercer le plus vieux métier du monde avec la femme que j'étais censée descendre en début de matinée. Lorsque j'ai déboulé dans leur chambre interrompant leurs horreurs, il m'a simplement dit de transmettre ce message. ''Ne vous inquiétez pas si je rentre tard.''

Cette phrase, plusieurs fois il l'a dite lorsqu'il sortait. Au début je pensais que c'était un code mais en fait ce n'est que la phrase pure et simple.

- Et comment peut-on savoir si on peut te faire confiance ? Lança l'un d'entre eux.

- Vous n'en avez aucune idée et c'est pour ça que vous allez me faire confiance.

Toujours vanter ses qualités par le biais de phrases discrètes et bien tournées. J'ai appris ça ici. Cette fois je m'en sers pour que cette assemblée quasiment exclusivement composée d'hommes soit confiante envers moi. C'est tout ce dont j'ai besoin. De leur confiance. Et ils hochent la tête comme pour me l'accorder.

Je suis de nouveau envoyée en mission mais ça me permet de passer le temps. Lorsque je rentre, je passe juste quelques minutes dans ma chambre histoire de faire croire que je vais me coucher. L'énergie noire qui m'a donné la force de redresser les épaules ce matin s'est un peu envolée, il reste simplement toute l'adrénaline dont j'ai besoin. Je ressors presque aussitôt de la pièce et cours jusqu'à l'endroit où se trouve mon père. Comme avec ma mère, je me cache derrière la capuche rouge, parce que lui non plus ne doit pas savoir. Personne ne doit savoir. Au début, mon père m'insulte généreusement mais lorsque je défais ses liens il se calme et cesse de se débattre. Il a comprit que je suis de son côté.

- Où est Marine ? L'amie des Doris ? Dis-je en prenant soin de forcer ma voix.

- À côté, mais qui êtes-vous ?

- Je suis... Commençais-je hésitante.

Homme-LoupWhere stories live. Discover now