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"J'ai si souvent regardé ton visage, celui qui me faisait me rendre compte de ma chance et de ta valeur, que je pourrais le dessiner les yeux fermés. Je veux juste une dernière étincelle de bonheur, avant d'être plongé dans l'ombre, dans l'indifférence, dans la tristesse et dans le malheur. C'est le bonheur qui te fait décoller, qui te donne ce vertige sans limites, et puis c'est la tristesse, le silence qui te font tomber, comme si tu vacillais, tentant un vent qui devenait de plus en plus puissant jusqu'à te pousser dans le vide. Cet homme qui a tenté de te détruire m'a détruit avec une force terrible parce qu'en t'atteignant toi, c'est ma vie qu'il a blessé. Tu es toute ma vie. Parce que ma vie sans toi, c'est comme l'océan sans l'eau, le ciel sans étoiles ou encore le jour sans le soleil. Il m'a plongé dans la nuit éternelle qui m'a vue naître. Tu es tout ce qui compte à mes yeux et cet homme me l'a volé de la pire des manières. Il m'a condamné à vivre en te regardant me haïr. Il m'a condamné à vivre en te voyant devenir heureuse avec quelqu'un d'autre que moi.

Oui, pour l'instant, trop choquée pour comprendre, tu erres comme un fantôme sans but. Et quand je me plonge dans tes yeux bruns qui ont si souvent calmé mes tourments, je ne vois plus cette flamme si joyeuse qui illuminait tout le monde, comme un soleil dans la nuit, comme un éclair dans un matin brumeux, je ne vois que ce vide terrifiant qu'il a creusé en toi comme si ton cœur avait cessé de battre. Le feu s'est éteint mais il reste des cendres, des braises et je pars en espérant que quelqu'un qui ne sera pas comme moi, qui ne te fera jamais souffrir saura en raviver la flamme. Tu es la flamme qui éloignait mes cauchemars mais j'étais celui qui t'empêchait d'être heureuse et d'être toi. Pour moi, aimer est interdit, pour moi l'amour est comme repoussé par un vent terrible. Je suis un loup solitaire, celui qui dépérit seul dans l'hiver, loin de sa meute qui s'unit contre le froid. Je suis la pierre au cœur tendre. Je suis froid et distant, je suis étrange et effrayant, je suis trop différent pour être aimé. Un enfant en manque d'amour. Un enfant turbulent et possessif, un enfant peut-être capricieux mais qui n'a jamais cherché le mal. C'est le mal qui l'a trouvé.

Je sais que je n'ai pas toujours été celui que tu attendais de moi. Je ne suis pas le prince charmant auquel tu rêvais la nuit quand tu étais petite, perchée sur ton balcon, à rêver de d'autres horizons. Je sais que parfois je t'ai blessée par mes actions ou par mes mots, je sais que des fois tu as espéré sans que je réponde à ton espoir. Je suis loin d'être parfait. Mais peu importe mes blessures, peu importe ma différence, peu importe mon étrangeté, mon décalage, mes larmes, peu importe mes cauchemars, mon côté noir, tu m'as toujours aimé autant que tu le pouvais. Tu m'as toujours donné tout l'amour dont tu étais capable, toute la joie que tu possédais pour me faire rire. Tu m'as aimé comme personne ne m'avait jamais aimé. Et je voulais juste t'en remercier du fond de ce qu'il me reste de cœur.

Je sais combien tout cela a dû te coûter. Je t'en remercie et maintenant que j'ai compris que j'étais comme une chaîne à tes ailes, je retourne dans la nuit pendant que tu t'envoles vers la lumière. Mais souviens toi ce que tu m'avais dit. Ne vole jamais trop près du soleil.

Comme si j'étais sur un fil tendu entre deux choix. Entre deux contraires.

Comme si j'étais sur une route qui se divisait. Incapable de choisir.

Comme si j'étais dans un fleuve, à tenter de nager à contre courant.

Comme si j'étais dans un désert, à chercher de l'eau.

Comme si j'étais dans la neige à chercher du feu.

Comme si j'étais dans la nuit à chercher la lumière.

Tu es tout ce que je cherche et je suis ce que tu fuis."

Les larmes qui coulent sur mon visage ne semblent jamais vouloir s'arrêter. Ce soir, Marine m'a apporté cette enveloppe blanche. Lorsque je l'avais prise dans mes mains, j'avais déjà une petite idée de la personne qui me l'envoyait, qui d'autre envoie encore des lettres papier ? Et lorsque je l'ai ouverte, mes mains se sont mises à trembler. Je venais de reconnaître son écriture. Ces mots écrits d'une main tremblante. Les mots en italique. A l'encre noire. Plus personne sauf lui écrivait sur du papier. Mais j'aime tellement son écriture, la simplicité avec laquelle il écrivait. La lettre est longue mais je la relis jusqu'à la savoir par cœur jusqu'à porter dans mon cœur les derniers mots de la personne qui m'avait fait découvrir le vrai amour. Il n'avait pas signé, seulement une silhouette de loup ailé découpée en ombre chinoise dont les contours étaient rouges sang. Comme s'il savait qu'il allait mourir. Comme s'il savait que son avion aurait un problème. Comme le présage d'un destin funeste. Une de mes larmes tombe sur les derniers mots de la lettre, diluant en quelques secondes les deux mots. J'ai envie d'écrire par dessus la tâche d'encre diluée. Finir cette phrase que je venais d'effacer. Je suis ce qu'il te manque. Incapable de supporter le noir et le silence qui ont prit possession de ma chambre, je saute par la fenêtre. Un instant, j'espère que tout cela n'est qu'un mauvais rêve, qu'il va apparaître derrière moi, me rattraper comme il le faisait toujours et on va s'envoler. Mais mes pieds touchent le sol, je réagis à l'instinct avec une roulade et cours. J'ai laissé tomber la lettre derrière moi mais je porte les mots dans mon cœur. Je grimpe plus vite que jamais le mont face à la maison et je me perche sur la dalle qui défie le vide. Qui défie la vie. Le soleil se couche doucement face à moi, réchauffant mes joues glacées par la tristesse et allumant des reflets féeriques dans les larmes qui continuent de tomber sur mes genoux. Une légère brise me fait frissonner avant de m'apporter quelques mots. Continue sans regarder derrière toi. Si subir le regard des autres est trop dur, regarde le ciel. Lui seul est capable de nous comprendre, il regarde les hommes depuis leur naissance. Spectateur incontestable et incontesté de la vie.

Je me force à me lever mais mes jambes vacillent. Je viens de comprendre, avec plus de violence que jamais, que tout est de ma faute. Que j'ai beau hurler dans le vide en espérant entendre sa voix me répondre. Que j'ai beau ouvrir les yeux dans le noir en espérant voir ses yeux bleus luire dans le noir. Que j'ai beau tendre l'oreille en espérant entendre les lames de métal bruisser dans mon dos. Que j'ai beau chercher, je ne trouverais rien. Rien parce qu'il ne reste que la mort, que le vide, le silence et la peur du lendemain.

Il est mort sans que j'ai eu le temps de lui dire un dernier au revoir.

Il est mort en pensant que je le haïssais.

Il est mort parce que je n'ai pas eu la force de le retenir.

Il est mort parce que j'avais peur.

Il est mort parce que je me débattais en équilibre précaire.

Il est mort parce que je suis faible.

Il est mort parce que je n'ai pas eu la chance de lui expliquer ce qu'il s'est réellement passé.

Il est mort alors que sans lui je ne suis plus rien.

Il est mort en laissant dans ma vie une faille, un canyon, un vide impossible à combler.

Il est mort en emportant avec lui mon âme.

Il est mort en emmenant dans son long voyage vers l'inconnu toutes mes émotions.

Il est mort et a soufflé sur la flamme vacillante de ma joie.

Il est mort à cause de moi.

Il est mort.

Homme-LoupМесто, где живут истории. Откройте их для себя