Chapitre XXI

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La soirée à l'hôpital n'avait pas été des plus chaleureuse. Enfermé dans son silence, Kieran tournait et retournait dans sa tête tout ce qu'il devait révéler à Cally. Mais était-ce vraiment le bon moment pour ça ? N'était-elle pas déjà pas assez secouée par ce qu'elle venait de vivre ? Elle l'avait renvoyé chez lui après le dernier passage des infirmières, prétextant un mal de tête. De retour dans sa maison, ses pas l'avaient guidés vers sa chambre et, bloqué dans l'embrasure de la porte, il regardait son lit défait. Le lit dans lequel il avait dormi, blottit dans les bras de Mégane, quelques heures plus tôt. La première, la seule et unique femme à avoir veillé sur son sommeil depuis la mort de sa mère. Il soupira tristement en s'asseyant sur le rebord du matelas, frotta sa barbe de quelques jours, lassé de sa vie et de ses combats, plongeant dans les méandres de ses songes en jouant avec le bracelet de sa montre, le regard complètement vide.

-Toc toc. J'ai pensé que tu aurais besoin d'un peu de compagnie. s'annonça Sébastien en regardant le visage fatigué de son ami. Je suis pas venu seul ! lui présenta-t-il une bouteille de whisky. J'ai bien fait il semblerait.

Sébastien s'assit à ses côtés, attendant patiemment, sachant très bien que dans ce genre de situation, son ami n'était pas communicatif.

-Comment va Cally ? brisa-t-il tout de même le silence au bout d'un très long moment.

-De mieux en mieux, elle a presque évacué la drogue. Elle sortira sans doute demain en fin de journée ou mardi. J'en sais encore trop rien.

-Y a autre chose dont tu veux parler ?

-Tu ne l'as pas apporté pour la tourner dans tes mains toute la soirée. sourit-il à son ami.

-Bien sur que non. Viens !

Sébastien lui serra l'épaule. Ils se levèrent d'un seul homme et rejoignirent le salon. Kieran sortit deux verres de son bar qu'il déposa sur la table basse, dévissa le bouchon puis versa une bonne quantité de liquide ambré dans chaque. Sébastien leva le sien, Kieran en fit de même, descendant son verre cul sec avant de les resservir tout de suite après. Il lui résuma les derniers jours, l'accident, les analyses, son altercation avec Adam. Surtout sa altercation avec Adam.

-Je me disais bien que ces points de sutures n'étaient pas arrivés là par magie pour accentuer ton sex-appeal. essaya-t-il de plaisanter pour alléger l'atmosphère.

-J'ai perdu mon sang froid.

-Je ne sais pas si j'aurai pu garder le mien dans les mêmes circonstances.

-C'est ce que Mégane m'a dit également quand nous sommes venus chercher des affaires pour Cally.

-Attends j'ai raté quelque chose. Mégane est venue ici, seule avec toi. Vous avez parlé tous les deux. Tu ne me dis pas tout, n'est-ce pas ?

-On ne peut rien te cacher.

-Je te connais depuis trop longtemps. Tu veux que je te dise, ce que j'ai vu à la boite l'autre soir, j'ai réellement souhaité qu'il y ai une suite pour toi.

Kieran sourit en sifflant un autre verre.

-Perspicace.

-Raconte.

-Que je te raconte quoi, je suis sur que tu as déjà la réponse. J'ai couché avec elle.

-Tu peux préciser « couché » ? Tu entends par là, tu l'as « sauté » comme toutes les autres ou c'était différent ?

Un long silence passa durant lequel Kieran réfléchissait à la fois à Mégane ainsi qu'à toute autre chose.

-C'était différent.

Sébastien laissa échapper un sourire en coin.

-Tu jubiles n'est-ce pas ?

-Un peu mouais. L'autre soir, quand tu étais avec elle, je ne t'ai pas reconnu. Tu étais audacieux, attentionné avec elle comme on le serait avec une poupée de porcelaine pour ne surtout pas la casser. Tu t'en foutais du regard des autres sur vous. C'est la première fois que je te voyais embrasser une fille en public, j'en ai bousillé la bierre que je devais servir! Elle te fait du bien cette fille, elle fait ressortir un Kieran que tu ne connais pas, un Kieran que tu as étouffé au fond de toi-même depuis ton départ de chez toi. Elle te fait ressentir des choses dont tu ne devrais pas te priver. Tout le monde a le droit à sa part de bonheur peu importe sa famille.

Kieran, perplexe, descendit encore un verre et s'en servit un autre.

-Je vais quitter la région. lui annonça-t-il de but en blanc.

Sébastien avala de travers.

-Pardon ? toussa-t-il après avoir manquer de s'étouffer.

-Le temps de mettre mes affaires en ordre, de trouver quelqu'un de confiance, une gouvernante pour la maison et pour Cally. Je ne peux pas rester. Je me suis battu avec Adam, j'ai fait l'amour à Mégane et si je m'écoutais....

-Tu lui as fait l'amour. Et bien, nous y voila.

-J'ai piétiné Cally, je l'ai descendu plus bas que terre. Je dois partir. Elle va rentrer et je doute qu'elle ai envie de passer son temps libre avec moi. Tout ce que je lui ai dit, c'est juste..... impardonnable après ce que cette ordure lui a fait subir. Je ne sais plus qui je suis ni ou j'en suis. J'ai besoin de m'éloigner.

-Vous avez tous les deux grandit sous la violence d'un père. Tu ne pouvais pas savoir qu'il lui ferai subir la même chose qu'à toi.

-Oh si je le savais Seb. Pourquoi en aurait-il été autrement ? A ses yeux, nous étions tous les deux responsable de la mort de notre mère. Elle en venant au monde et moi pour ne pas être rester comme il me l'avait demandé. Il m'a imprimé si profondément sa haine que j'ai fini par reporter la mienne sur ma soeur, pour atténuer ma propre culpabilité. Je me suis mis à la haïr pour supporter les coups. Je me répétais sans arrêt que si elle n'avait pas existé, ma mère ne serait pas morte et je n'aurai jamais eu à subir toute cette violence. Pourtant elle n'y était pour rien.

-Tu n'étais qu'un adolescent.

-Je l'ai abandonné. se leva-t-il en chancelant sous l'effet de l'alcool pour aller s'appuyer au bahut du salon en tournant le dos à son ami afin de lui dissimuler la honte qu'il ressentait.

-Tu dois lui parler, c'est à elle que tu dois dire tout cela.

-Je vais le faire.

Il termina son verre.

-Avant de partir.

-Je suis pas sur que tout plaquer soit la solution. Accroche-toi, tu as une chance de construire une vrai relation avec elle et jackpot, l'amour s'invite sur ton chemin.

-C'est trop d'un coup. J'étouffe. Je peux plus....

A aucun moment Kieran n'avait regarder son ami. Il retourna s'asseoir,continua de boire en silence, noyant sa honte, sa culpabilité et son chagrin dans un nombre incalculable de verres de whisky jusqu'à ce qu'il ne soit plus capable de rejoindre sa chambre seul. Sébastien,le coucha et s'installa sur le canapé pour y passer la nuit.

Nos blessuresWhere stories live. Discover now