Chapitre IV (1ere partie)

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Kieran se grattait la tête, assis sur un tabouret de bar, hypnotisé par son mug de café noir. Midi passé. Deuxième cuite mémorable en moins d'une semaine. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas bu autant et ramené une inconnue dans son lit. Mais hier soir, sur le point d'exploser, ses vieilles habitudes pour calmer sa colère avaient re surgies. Il entendit Cally sortir de sa chambre et s'avancer dans le salon.

-J'ai fait du café. lui lança-t-il froidement.

Sa silhouette mince fit le tour du comptoir, attrapa une tasse et elle se servit.

-Je sais faire du café toute seule.

-Tu commences demain au lycée public de la ville. Je t'es inscrite dans la semaine.

-Fallait surtout pas te donner cette peine. Tu as eu pitié de moi unenouvelle fois ?

Il releva les yeux sur son visage, elle ressemblait tant à sa mère que le simple fait de la regarder lui trouait l'estomac. Fragile et douce en apparence dissimulant un fort caractère au vue de son répondant. Il avala une gorgée de son café en détournant les yeux.

-Tu as passé une bonne nuit ? demanda-t-elle la voix teinté d'ironie.

-Désolé si nous avons fait trop de bruit à ton goût. Je n'ai pas l'habitude d'avoir du monde sous mon toit en dehors de mes copines ou de Seb.Tu t'habituera.

-Et elle est où cette copine ? Elle dort encore ?

-Partie. C'est juste un plan cul. Et d'ailleurs je ne sais même pas pourquoi nousparlons de ça. Nous ne sommes pas censé nous parler.

-Pendant un an ? Ça risque d'être compliqué de ne pas se parler du tout. Onne se connaît même pas.

-Je n'ai pas envie de te connaître. Vois le fait que je te laisse vivre ici comme une bonne action.

-Alors c'est ça, je suis ta bonne œuvre de l'année! ironisa-t-elle. Tu sais quoi Kieran?

Elle attrapa le verre d'eau que son frère avait rempli sur le comptoir et le lui jeta au visage.

-Elle t'emmerde la bonne œuvre de l'année !

Il resta sans réagir, surpris et scier devant l'aplomb de cette gamine de dix sept ans. Lui aussi à dix sept ans possédait le même répondant. La vie ne l'avait pas épargné. Il avait grandit trop vite. Sa main attrapa une serviette afin de s'essuyer le visage. Il termina son café, retourna dans sa chambre prendre une douche, s'habilla rapidement et quitta la villa sans en avertir sa sœur. Cally ne ressortit que lorsqu'elle entendit la porte se fermer. Une fois dans sa chambre, elle s'était effondrée en larmes, blessée une nouvelle fois par les mots acerbes de son frère. Elle n'avait pas voulut lui montrer que ça la touchait si profondément.

Cally n'avait pas revu son frère de la journée et ce matin, il n'était pas là non plus pour son premier jour d'école. Seul un post-it trônait sur la cafetière « taxi à 7h30 ». Etait-il dans la maison ? Elle ne l'avait pas entendu rentrer cette nuit. Avalant un rapide café, elle se prépara pour sept heures trente. Et à sept heures trente tapante, un taxi se garait devant le portail. Elle attrapa son sac de cours et sortit. La clef ! Cally chercha devant et derrière la porte, dans le placard, aux alentours, pas de clef. Kieran ne lui en avait pas donné. Cela signifiait-t-il qu'il serait présent ce soir son retour de son première jour? Elle grimpa dans le taxi qui la conduisit à plus ou moins dix minutes de la maison, devant un grand portail vert devant lequel une multitude de jeunes entre seize et vingt ans, fumaient et discutaient sur la rue.

-Je vous attendrai à dix huit heures. Bonne journée Mademoiselle Cally.

-Merci. sourit-elle forcée.

Mademoiselle Cally, son cœur se serra, la ramenant immédiatement à ses souvenirs de John quand il la déposait ou l'emmenait quelque part. John. Les au revoir avait été les plus tristes, il lui manquait.Versailles, son ancienne vie, les souvenirs assiégeaient son esprit, inondant ses yeux de larmes. Elle inspira un grand coup et reprit son chemin en les chassant du revers de la main. Personne ne devait entrevoir cette facette sensible et fragile.

-Eh Adam vise un peu la gosse de riche que le taxi vient de déposer ! entendit-elle une voix masculine dans son dos.

Elle évita tout regard dans cette direction.

-Elle va avoir du mal à se fondre dans le paysage. C'est écrit bourgeoise sur son front ! ajouta une voix féminine.

Cally traça son chemin sans se retourner. Sa garde robe ne comportant que des vêtements et des sacs de grandes marques, elle avait sélectionné les plus passe-partout, les moins tape à l'oeil pour ses débuts dans un lycée public. Cela restait tout de même tape à l'oeil pour ceux qui n'avait pas l'habitude de voir autant de vêtements hors de prix sur la même personne. Le comble d'ailleurs puisqu'elle n'avait plus un rond en poche. Il ne lui restait simplement que ses affaires personnelles. La jeune fille déambula un long moment dans l'immense lycée avant de trouver le bureau du Conseiller Principal d'Éducation.

-Melle Sullivan, bienvenue dans notre lycée. Je suis Madame Robert.

La conseillère s'attarda plus que nécessaire sur ses vêtements puis se reprit.

-Je vais vous conduire à votre salle de classe. Vous aurez un tuteur toute la semaine afin de vous familiariser avec les lieux. Votre ancien lycée comptait combien d'élèves ?

-J'avais un professeur particulier.

-Cela va beaucoup vous changer. Nous regroupons plus trois mille deux cents élèves filières technologiques incluses.

-Trois mille ? s'étonna Cally.

-Oui, nous sommes dans un lycée public, c'est malheureusement le seul du secteur d'où le nombre conséquent d'élèves. Mais ne vous inquiétez pas, vous vous habituerez très vite à notre établissement, nous ne sommes pas des monstres dans le public.

Visiblement la CPE la cataloguait « petite fille à papa pourrie gâtée ». Elle lui emboita le pas sans lui poser la moindre question. Le dédale de couloir, d'escaliers et de portes l'avait perdue dès le départ, elle serait incapable de retourner à son point de départ dans cet immense établissement scolaire. Par endroit la peinture s'écaillait sur les murs, sans compter le sol qui semblait tout droit sortir des années quatre vingt. Pas de doute, changement de décors total. Les hauts talons de la conseillère raisonnaient à chacun de ses pas pour finir par s'arrêter devant une porte en y frappant. Un broua de chaises raclant le sol se fit entendre avant que Cally ne pénètre dans la salle de classe.

Nos blessuresWhere stories live. Discover now