Chapitre VIII (1ere partie)

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Kieran rejoignit Sébastien au bar du Millénium.

-Rien de particulier pour ce soir ?

-Ras.

-Je vais aller faire un tour à la boite de rennes. J'ai besoin de m'éloigner un peu. Je serais joignable sur mon portable en cas de problème.

-Ça marche. Et avec ta sœur ?

-Je vais passer la voir avant de partir.

Dix minutes plus tard il stationnait son quatre quatre dans l'allée, inspirant profondément plusieurs fois avant de descendre, le ventre noué. Cally se raidit sur son tabouret lorsqu'elle entendit la porte de l'entrée s'ouvrir. Elle n'avait plus la force pour une nouvelle confrontation. Kieran s'appuya dans l'embrasure tout en la regardant. Sans relever les yeux, Cally reposa la dernière part de sa pizza dans la boite, incapable d'avaler quoi que se soit en sa présence. La tension était monté d'au moins une dizaine de crans.

- Je ne ne serai pas là ce week-end.

Kieran aurait voulu engager une conversation, lui demander si elle avait eu de la visite cette après midi, visiblement oui puisqu'un carton de pizza trônait sur la table.

-Je vais travailler à la boite de nuit sur rennes, je... il se racla la gorge mal à l'aise. Je resterai dormir à l'hôtel ce soir.

Il tenait plus que tout à lui dire quelque chose de gentil pour apaiser la tension étouffante règnant dans la cuisine. Il en était incapable et quitta la pièce sans rien ajouter de plus, déçu de lui-même. Cally put enfin relâcher sa respiration. Une fois dans son lit, le ventre plein et totalement épuisée, le sommeil l'emporta si vite qu'elle n'entendit pas son frère quitter la maison.
Le lendemain, en fin d'après-midi, elle consulta son portable tout en baillant. Un sms d'Adam. Surprise d'avoir son numéro dans son téléphone elle l'ouvrit.

« J'espère te voir au central ce soir . Un ami ;-) »

« Comment t'as eu mon numéro ?»

«Je me suis appelé avec ton tel hier et j'ai entré mon numéro. Tu viendras ? »

« C'est pas trop mon truc »

«Je passerai te voir après le concert »

« C'est pas la peine, merci Adam»

Pour la première fois depuis bien longtemps, quelqu'un semblait se soucier de sa personne. Elle n'avait jamais eu d'amis, ni filles, ni garçons, seulement de vagues connaissances lors des rares cours suivit à l'extérieur de la maison. C'était quoi un ami au final ? Pouvait-elle déjà considérer Adam comme en étant un ? Elle n'avait aucun point de comparaison. Cally zona un moment devant un téléfilm sans trouver un programme de grand intérêt puis étira tout son corps avant de se lever.

A plus de vingt heures passées, la jeune fille décida de se lancer dans une fouille complète de la maison. Peut-être trouverait-elle quelque chose sur ses parents, sur sa mère, ou son frère ? Elle commença par le salon, chercha dans le bahut, le vaisselier, le bar et dans la bibliothèque en remettant soigneusement tout à sa place. Le bureau, elle fit tous les tiroirs de la table de travail, rien non plus. Il restait la chambre de Kieran. Elle hésita beaucoup avant d'en franchir le seuil dévoilant une très grande pièce avec une salle de bain privative, comme la sienne. Un grand lit double trônait au centre, habillé d'une tête de lit sombre et de deux tables de chevets de chaque côté. Aucun tableau, une décoration très sobre et impersonnelle, des meubles de couleurs sombres cassant le blanc immaculé des murs. Elle fouilla les tiroirs des tables, rien d'intéressant en dehors de boîtes de comprimés ou de sachets de préservatifs. Cally fit volte face pour détailler l'immense bibliothèque occupant tout le mur opposé au lit. Livres livres, des étagères entières remplies de policiers, de livres d'histoire, de sciences fictions et autres genres. Une bibliothèque aussi bien garnie que celle qu'elle avait du abandonner derrière elle après le décès de son père.

Après avoir longuement passée toutes les étagères en revues, tout en bas, elle dégota un album photo, s'assit sur le lit et commença à le feuilleter. Les premières pages comportaient plusieurs photos de vacances d'un couple ou elle y reconnut sans hésiter son père, et déduisit que la jeune femme à ses côtés devait être sa mère. Des photos de leur mariage. Sa mère si belle dans sa longue robe meringue rouge et blanche. Les pages suivantes étaient consacrées à un petit garçon blond aux yeux très bleus, un sourire adorable accroché aux lèvres. Au fil de l'album, de moins en moins de photos de son père. Cally toucha du bout des doigts le cliché suivant. Sa mère y arborait un petit ventre rond, allongée sur l'herbe, toujours avec ce blondinet, devenu un jeune adolescent. Ensuite, toutes les pages étaient vierges. L'absence de photos d'elle traduisait les sentiments de Kieran à son égard, réveillant la blessure de son cœur. Abattue par la tristesse, elle descendit dans le salon, ouvrit en grand le bar de son frère pour en sortir une bouteille de vodka. L'alcool. Il avait la faculté de faire perdre la mémoire à son père, exactement ce dont elle avait besoin. Oublier sa vie. Elle porta la bouteille à ses lèvres pour en boire une longue gorgée. La brûlure de l'alcool sur sa trachée non habituée lui déclencha une quinte de toux et pourtant, elle recommença à plusieurs reprises. Cally resta un long moment sans bouger, assise en tailleur sur le canapé, les yeux remplis de larmes, caressant du bout des doigts, la photo de sa mère enceinte. L'alcool, se diluant dans son organisme, commençait à lui brouiller l'esprit. Après d'autres gorgées, elle finit par s'assoupir sans s'en rendre compte.
La sonnette la tira en sursaut de son sommeil. Titubant en traversant un salon ondulant étrangement, elle appuya enfin sur l'interphone.

-C'est qui ?

-Adam.

-T'es pas en train de jouer à un concert ?

-Il est minuit passé Cally, le concert est finit depuis un bail. J'ai essayé de t'appeler tu ne réponds pas. Je t'avais dit que je passerai.

-Je t'avais dit que c'était pas la peine.

-Tu peux m'ouvrir ? On en parlera de vive voix.

Cally appuya sur un bouton. Elle ramassait l'album photo quand Adam entra dans le salon.

-Pourquoi t'es là ?

-Tu as bu. fit-il remarqué en humant son haleine.

-Bonne déduction Sherlock !

Elle arracha la page de la photo de sa mère enceinte pour la lui montrer.

-Regarde ! C'est moi, là ! désigna-t-elle le ventre arrondi. C'est la seule photo de famille sur laquelle je suis avec ma mère et mon frère !

-Cally...

-Non en fait c'est la seule photo ou je suis dans tout cet album de famille. reprit-elle en le jetant sur le sol tout en buvant une autre gorgée.

-Tu vas être malade.

-Pourquoi tu es là au juste ? Tu as des amis, tu devrais être avec eux plutôt qu'avec la petite bourgeoise paumée.

Adam posa sa main sur sa joue pour l'obliger à le regarder mais ne la retira pas quand il la sentit se raidir.

Nos blessuresWhere stories live. Discover now