Le cœur ou la raison

2-L'incertitude..

Emma.

J'essaye d'ignorer ma main qui tremble et tente à nouveau d'appliquer mon rouge à lèvres sans trop faire de dégât. Le résultat n'est pas mal. Ma petite robe noire et mes escarpins s'agencent parfaitement à mon maquillage sombre. Le problème n'est pas là, c'est l'angoisse détectable à des kilomètres à la ronde qui me dérange.

Je dois arrêter de m'observer de la sorte parce que plus je me regarde, moins ce que je vois me plais. Je suis incroyablement nerveuse.

Mon cœur bat à la chamaille et je suis à me demander si mon idée de lui accorder un dîner, soit vraiment une bonne décision.

Quand je l'ai revue la semaine dernière, ce fut un choc. Un coup que je n'avais pas vu venir du tout. C'est à ce moment que je me suis rendu compte que j'avais fini par me croire quand je prétendais avoir passé à autre chose.

Depuis que j'ai quitté Harry, je me suis toujours sentie plutôt forte. La vie à mit sur mon chemin un cadeau. Le plus beau des cadeaux, me permettant ainsi de passer à travers. Mon petit rayon de soleil.

Je suis déménagé, loin et je me suis faite discrète jusqu'à me faire oublier et cela a fonctionné. Jusqu'à maintenant. Et je suis terrifié à l'idée que ma vie soit à nouveau chamboulée.

Pourquoi fallait-il qu'il trébuche ce jour-là, dans la ville où je demeure, pourquoi a-t-il fallu que le dossier me revienne, un collègue aurait très bien pu en hériter. Simple hasard ou bien le fruit du destin... un signe que m'envoie la vie.

J'ai passé les derniers jours à me questionner. À plusieurs reprises je suis allé rejoindre ma belle Marguerite, endormie dans son lit, pour me blottir contre elle, espérant quoi... Que la vie m'envoie un signe ou simplement pour trouver du réconfort, pour combattre ma peine et ma peur. Je suis terrifié juste à l'idée de le laisser entrer dans sa vie. Dans ma vie.

Et puis, finalement, après réflexion, j'ai accepté de le voir, pour discuter et pour la suite... je vais suivre mon instinct. Un jour, peut-être que je lui révélerai la vérité.

Dans un soupir, je lance ma brosse à cheveux sur mon lit avant d'inspecter une nouvelle fois le résultat.

Il était tellement beau.

Ces beaux yeux verts sont toujours les mêmes, mais il y a quelque chose de différent, plus sage... mature. Ses longs cheveux sont maintenant courts. Il est encore plus beau que ce j'ai pu apercevoir dans les magazines. Mon cerveau est resté coincé sur les images de l'homme que j'ai vu la semaine dernière. Un homme que je ne reconnais plus.

Okay, stop !

- Ma gardienne est arrivée ! je fus subitement sortie de mes pensées lorsque ma petite Marguerite entre en courant dans ma chambre.

- Parfait, j'arrive ! dis-je en caressant sa chevelure.

Elle me sourit en retour, le même sourire qui remplit mon cœur d'amour depuis bientôt quatre années. À chaque fois qu'elle me sourit, je le vois, lui, il est identique au sien, impossible de résister. Et dans un peu moins d'une heure, je serais assise près de lui, tandis que notre fille, l'enfant, dont, je lui cache l'existence, attendra patiemment le retour de sa mère.

- Tu es jolie maman ! s'exclame-t-elle.

- Pas autant que toi, ma mignonne, dis-je en laissant glisser mon pinceau sur ses joues pour y déposer un peu de blush.

Marguerite s'agrippe après ma maquilleuse, sur le bout des pieds, elle essaie de regarder dans le miroir.

- Je suis belle, comme toi, maman, ajoute-t-elle souriante.

- Encore plus...

Marguerite me ressemble beaucoup, mais certains détails ne mentent pas. Pendant la première année de sa vie, elle avait les cheveux blonds et depuis les deux dernières années, ils ont commencé à s'assombrir et fait cocasse, plus ses cheveux changent de couleur plus, il frisotte. Maintenant, de jolies bouclettes encadrent son visage.

Même chose pour ses yeux. Bleus de naissance, ils ont rapidement changé de teinte pour passer au vert. Un vert légèrement plus foncé que son père.

Une jolie fossette décore son visage, mais elle ne se trouve pas au même endroit que celle d'Harry, la sienne est sur son menton, tout comme moi. Isaac avait la même.

Dans un raclement de gorge, je fais passer l'émotion qui me submerge et embrasse Marguerite avant de lui donner les directives pour la soirée.

- Tu écoutes bien, compris, Marguerite, ordonné-je.

Je tremble littéralement dans mes talons sous les compliments de Marguerite et Sophia, la gardienne.

Une dernière vérification dans le miroir avant de quitter.

Pour une fille qui n'a pas l'intention de se laisser séduire, tu t'en fais du souci pour ton apparence...

[...]

Le taxi ralentit pour finalement s'arrêter. Nerveuse, je traîne le pas entre le trottoir et la porte, voulant étirer le temps. Après des années à refouler souvenirs et chagrin, ce soir je dois les affronter.

J'entre dans le resto en essayant de chasser toutes mes pensées négatives, mais à l'instant où je le vois, elles reviennent à nouveau.

Même au loin, je peux voir ses yeux briller et son sourire s'agrandir.

Lentement en m'approchant de lui, une certaine culpabilité s'installe. Sa fille.

C'est le moment de te souvenir Emma, pense à la façon dont s'est terminée votre histoire.

Après une rapide réflexion, Marguerite ne manque rien. Qu'est qu'elle en gagnerait ? Un père absent, des journalistes envahissants et Dieu sait quoi d'autre... Je ne veux pas forcer cette scène.

Je n'ai pas envie que ma petite chérie découvre le sentiment de la trahison. Après l'avoir vécu et l'avoir fait vivre, je suis plutôt bien placé pour savoir quels effets destructeurs cela peut avoir.

Ma fille ne mérite pas cela.

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