Fuite

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Le douzième jour, épuisé, l'un des gardes avait lancé sur le ton de la plaisanterie, qu'il voulait abandonner son tour de garde pour rentrer plus tôt chez lui, sa petite femme étant présente. Son compatriote comprit tout de suite l'allusion mal placée et ils rirent ensemble, attrapant à la va-vite les couverts. Enfermés dans cet endroit jour et nuit sans distraction, il y avait de quoi devenir fou ! Il fallait bien saisir la moindre occasion de s'amuser et de la meilleure des façons.

Le pervers quitta son poste sans le moindre remord et l'autre s'installa sur une chaise, à l'aise pour dormir. De toute façon ils étaient prisonniers, il ne risquait rien à faire un petit somme et puis cette chaleur le berçait. Ils avaient des uniformes qui s'aéraient naturellement pour qu'ils s'y plaisent. 

Elyas avait ses sens aux aguets et il fit signe à la femme de se taire et ce pendant plusieurs heures. C'était l'occasion qu'il attendait depuis des jours et il n'allait pas rater sa chance. Sa patience avait déjà été mise à lourde épreuve ! 

Enfin, le son régulier d'une respiration lente, parvint à ses oreilles. Le garde s'était endormi, il fallait agir. Elyas fit un signe à la femme pour attirer son attention. Il avait assez de force maintenant pour sortir d'ici et se battre. 

- Avez-vous un quelconque objet près de vous ? Demanda doucement notre héros

-Rien qui te sera utile je le crains, répondit la femme sur le même ton.

Elyas roula des yeux. Elle ne pouvait pas simplement lui répondre ? Ils perdaient du temps. 

-Qu'avez-vous ?

-Un bâton et une simple assiette.

- Cela me suffira. Vite, donnez-les-moi !

La jeune femme lança le bâton aussi fort qu'elle pouvait, celui-ci cogna contre les barreaux et Elyas le récupéra facilement, puis elle fit glisser l'assiette sur le sol. La lente traînée résonna dans la pièce, faisant sursauter le garde. Ils arrêtèrent de bouger, anxieux. 

Heureusement, celui-ci replongea rapidement dans son sommeil après un coup d'œil furtif à droite, à gauche.

Elyas se tendit l'espace d'un instant et récupéra les matériaux. Il se brûla au passage quand il colla son corps aux barreaux. Mais pour avoir la liberté, il était prêt à tout. 

Ses mains tremblaient d'impatience.

Elyas se mit à rire doucement de manière incontrôlée. La peur, l'excitation, l'appréhension, tout cela le rendait à la fois fébrile et fort. Enfin, il allait sortir. 

La prisonnière pencha sa tête sur le côté et haussa un sourcil à l'entente de ces petits bruits. Était-il devenu fou? Mince... Si c'était le cas, elle ne reverrait jamais sa fille. Dans le doute, elle posa quand même la question.

- Que fais-tu mon garçon ?

- Taisez-vous, je dois me concentrer !'

Sans plus de discours, Elyas se mit dos à elle puis il se focalisa sur son objectif. Tellement fort, que l'environnement disparaissait de plus en plus de sa mémoire, ne devenant qu'ombre ou silhouette avant de n'être que ténèbres. 

Il n'entendait même plus sa propre respiration et il sentait son esprit être absorbé par un gouffre sans fin. Il avait l'impression de suffoquer dans un liquide incolore, de n'avoir plus aucun contrôle sur ses gestes. 

Sa langue passa sur ses lèvres sèches et il murmura d'anciennes paroles. Le timbre de sa voix se déformait au fil de sa récitation, elle devenait plus grave, plus sèche, plus démoniaque...

Un destin entremêlé (réécriture)Where stories live. Discover now