Chapitre 4

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Uruha était rentré depuis quelque temps. Il savait que Ruki ne passerait pas la soirée avec lui ; il l'avait d'ores-et-déjà prévenu qu'il voulait absolument finir les paroles d'une de leurs chansons pour le prochain album.
Vautré sur son canapé, il était persuadé que Ruki s'était endormi sur son monticule de feuilles de brouillon. Il sourit en imaginant parfaitement la scène : Ruki dans son salon, assis près de sa table basse, s'endormant la tête et ses mains sur son tas de papiers gribouillés, un verre de soda à côté de lui et un filet de bave coulant de ses lèvres entrouvertes.
Uruha ria, puis soupira, attendri par l'image de son très cher ange ensommeillé.

Uruha observait inlassablement son appartement. Il ne savait pas quoi faire. Les soirées sans Ruki semblaient fades et mélancoliques.
Il frémit. Il ne devait pas penser à lui.

Quelqu'un frappa à la porte. Uruha alla ouvrir en espérant bêtement que Ruki avait changé d'avis pour apparaître derrière cette porte.
Lorsqu'il ouvrit, son sang ne fit qu'un tour.

« Bonsoir !
- Salut Reita, qu'est ce qui t'amène ?
- Je passais te voir, je ne dérange pas monsieur ?
- Non, pas du tout. Entres. »

Uruha se décala pour laisser entrer Reita qui alla directement sur le canapé comme s'il était chez lui.

« Ça va ta main ?
- Oui, merci. »

Uruha resta planté au milieu du salon, ne sachant trop quoi faire, n'ayant pas prévu que Reita pourrait passer. D'habitude, il ne venait jamais les soirs après répétitions, trop occupé à vagabonder de bar en bar pour draguer toutes les filles qu'il trouvait à son goût.

« Tu voulais quelque chose ? demanda enfin Uruha après avoir réuni le courage nécessaire.
- Oh et bien, j'avais envie de te voir. Je n'étais pas motivé à traîner dans les bars ce soir, répondit le blond en épurant ses doigts de son regard malicieux.
- Euh... d'accord. Tu veux faire quoi ?
- Je regarderais bien la télé. »

Il alluma la télévision puis alla s'asseoir à côté de Reita.
Le silence prit place pendant qu'ils regardaient un film. Uruha n'aurait pas su dire lequel c'était, trop préoccupé à nager dans le néant.
Il sentit alors Reita se rapprocher de lui. Il se raidit mais continua à fixer l'écran.
Reita était maintenant collé à lui comme si de rien était. Il essayait de respirer calmement en se disant que ce geste était anodin. Mais il sentit un malaise titanesque en sentant Reita pousser les mèches de ses cheveux pour ensuite chuchoter à son oreille sensible :

« Tu sens bon ce soir. »

Uruha ne répondit pas et resta raide comme une pointe, le regard aiguisé.

Tu ne dois pas répondre, surtout tais-toi.

Reita approcha doucement ses lèvres du cou d'Uruha qui ne respirait quasiment plus, pétrifié.
Sentant celles-ci, il eut pour réflexe de reculer. Réaction qu'il regretta de suite lorsque Reita lui saisit violemment la gorge.

« Pourquoi tu bouges ? demanda-t-il froidement, les lèvres toujours envieuses du cou d'Uruha.
- Je... Je n'ai pas bougé.
- Pourquoi tu mens ?» prononça d'une voix acide Reita avant de serrer un peu plus sa main autour du cou de sa proie.

Uruha couina de douleur.

« Pardon, pardon, je n'ai pas fait exprès, je te le jure !»

Reita desserra ses doigts avant de le lâcher. Il recommença alors à l'embrasser dans le cou ; cette fois il se laissa faire, se mordant abusivement la lèvre inférieure.
Les baisers de Reita devinrent de plus en plus pressant puis il s'approcha derechef de l'oreille du brun pour lui chuchoter :

« J'ai envie de toi. »

Uruha tressaillit. Pris de sueurs froides, il repoussa Reita, se leva d'un bond et s'éloigna, prêt à partir en courant. Reita se leva à son tour et lui bloqua le passage.

« À quoi tu joues Uru...?
- J'ai... pas envie » répondit-il difficilement.

Reita attrapa de nouveau Uruha à la gorge et le plaqua contre le mur.
Ce dernier suffoquait.

« T'ai-je simplement demandé ton avis ? questionna avec hargne Reita en fixant sadiquement Uruha qui tentait tant bien que mal de respirer.
- Rei ... Je ... Respirer...
- Je n'entends pas » répondit Reita avec un grand air sadique.

Et pourtant il le lâcha, juste assez pour qu'il puisse respirer. Il recommença à l'embrasser dans le cou. Aucune douceur n'était manifeste dans ses gestes.

Pourquoi ? Pourquoi, Reita ?

Reita essaya d'embrasser Uruha sur la bouche mais celui-ci esquiva. En réponse à cette attitude, Reita le frappa violemment à la tête qui percuta le mur. Uruha se mit à voir flou, complètement sonné par ce coup illégitime. Une sensation vibrante et corrosive s'étala dans la longueur de son abdomen. Son étourdissement le plongeait au fin fond des abysses de l'imposteur du bonheur nommé désespoir.

Arrêtes je t'en prie... Arrêtes, pas encore, je ne peux plus...

Uruha hurlait intérieurement. Son mal-être résonnait en lui comme dans une antre insondable. Toutefois il n'ouvrit point la bouche car il savait que Reita l'aurait une fois de plus frappé. En outre, il ne voulait surtout pas que Ruki voit une quelconque marque d'abus sur lui. Le souffle de son bourreau sur sa peau lui donnait des hauts-le-cœur.
De multiples rétentions prirent aussitôt position dans les commandes de sa propre volonté.
Son envie de régurgiter s'accrut au moment où Reita se mit à l'embrasser et à le déshabiller.
Il fut ensuite contraint à se laisser guider jusqu'à sa chambre, sans criailler un seul mot, de peur que cela dégénère davantage.

Subir en silence était la clef. Cela passerait plus vite.

Visiblement, il avait été choisi pour être condamné, maudit par le chagrin en personne qui n'était tout autre que Reita. Celui-ci chevaucha le torse d'Uruha et caressa sans ménagement ses pectoraux.

Ne penses à rien...
Oh... Ruki, je suis tellement désolé...
Ne penses pas à lui, surtout pas, tu n'en as pas le droit...

Uruha ferma les yeux, ne supportant plus l'image de son dominateur vicieux au-dessus de lui.
Détenteur de la situation, détenteur de la volonté, détenteur de tout espoir aspiré, aucune compassion de semblait l'habiter. Rien, ni personne, ne pouvait sauver Uruha de cette emprise maîtresse d'infamies.

Partir loin. Juste partir très loin.

Les larmes commencèrent à creuser les joues d'Uruha. Sous la douleur que lui infligeait Reita avec ses coups de bassin, Uruha voulut crier mais le blond plaqua de suite sa main sur sa bouche tout en lui bloquant la respiration du nez.
Uruha pouvait à peine respirer.
La position que lui faisait prendre le jeune homme le répugnait ; il le traitait comme une de ses nombreuses filles prise entre ses filets.
Uruha voyait de plus en plus flou. Il ferma donc de nouveau ses paupières.

Tues-moi.

Les gouttelettes salées inondèrent son doux visage.
Il suffoqua, l'oxygène se faisant de plus en plus rare dans ses poumons.

Je t'en prie, achèves-moi...

Il n'arrivait plus à respirer, noyé dans sa détresse et sa douleur.

Achèves-moi une bonne fois pour toute.

Dans le noir total, il n'entendit plus que les gémissements redondants de Reita au-dessus de lui.

Je veux juste mourir...


Vivre ou Survivre ?Where stories live. Discover now