Chapitre 15 : Don't trust a jester

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Le docteur Strange attendait Annie, tout comme il avait attendu Jérôme et le reste de ses patients intéressants. Ou qu'il pensait intéressant.

- Annie Henderson, dit-il la voix posée, qui se voulait rassurante, mais qui n'était autre que désagréable.

- Ici, ce sera Arlequin. Ou Arley.

Strange sourit à cette annonce. Le policier allait remettre Annie à sa place, mais Strange l'en empêcha.

- C'est un très joli pseudonyme, complimenta-t-il.

- Je dirais plus un nom, corrigea Annie.

- Certes, un nom, c'est cela.

- Excusez moi, est-ce qu'on va me mettre dans des machines ultras bizarres, dans lesquelles on va me torturer ? Et est-ce qu'on va me jeter de l'eau dans la gueule ? Oh, et une autre question, est-ce que vous faites des expériences supers bizarres dans vos caves, j'ai vu ça dans un film une fois, et c'était vachement glauque, et je dois dire super intéressant aussi...

- Ferme-là Henderson, intima le policier qui la tenait.

Elle se pinça les lèvres et fit tordre son cou vers lui.

- Désolée, je suis tarée, sourit-elle.

- Bien dommage que tu sois pas muette.

- Je vais désormais prendre mademoiselle Henderson en charge, coupa court Strange avec une bienveillance feinte.

- Trop aimable, sourit-elle.

Le policier lâcha Annie et des gardiens se postèrent sur ses côtés pour l'accompagner à l'intérieur de l'enceinte. Elle redressa sa colonne vertébrale, et adopta un air contenté.

- Voilà les vêtements que tu devras porter.

La jeune femme observa la robe aux grossières rayures blanches et noires.

- Dites moi que c'est une blague.

- Détrompez-vous, ma chère.

- Et ils vont bien vos patients ? Parce que putain rien qu'en voyant ça j'ai envie de chialer.

- Ne vous en faites pas, ça fait partie de la thérapie.

Elle l'observa en levant légèrement un sourcil, interrogative.

- Vous êtes encore plus taré que nous.

Strange se mit à rire.

- Je crois que c'est à moi d'en juger.

- Comment on a pu vous faire confiance ?

- J'ai un diplôme, répondit-il sans essayer de se dissimuler.

- Je vais rajouter ça dans ma liste de gens que je dois éviter.

Elle enfila la robe à contre cœur, légua toutes ses affaires au gardien et se laissa se faire diriger jusque dans l'enceinte même du bâtiment, là où tous étaient enfermés. Elle fut, bien que peu étrangement, accueillie par des exclamations, des grognements et autres bizarreries expressives.

- Bienvenue chez moi, se murmura-t-elle.

Durant une poignée de secondes, son visage se figea dans un regard de regret et de terreur. Mais il fut bien vite remplacé par une figure résolue. Elle entra pour se mélanger aux autres, en observant à peine les nouvelles têtes. Mais, assis au milieu, immobile, une allure familière retint son attention. Elle fit mine d'ignorer l'agitation autour d'elle, en évitant de se sentir menacée à chaque son. C'était un homme qui souriait bêtement en regardant un autre patient faire jongler des balles, et qui se mit à applaudir lorsque le tour fut terminé. Annie s'approcha du jongleur, prit ses balles et les jeta plus loin. Le sourire de l'homme en face d'elle s'effaça lentement pour devenir un visage déconfit et enfantin, qui venait de perdre sa distraction.

Le Temps de la Nuit (Jerome Valeska) Where stories live. Discover now