[Eldarya] Le Secret des Moraï

Chapitre 42 - Puis-je t'embrasser ?

-Vous ne parviendrez jamais à sauver votre misérable espèce ! nous crache le Monarque à la figure. Vous n'êtes pas destinés à survivre ! Tôt ou tard, vous vous éteindrez comme les lucioles éphémères que vous êtes !

Le visage boursoufflé de rage de Leiftan est méconnaissable. Je ne vois plus en lui l'ami que je reconnaissais jadis. Je fais des efforts, vraiment, pour le comprendre, pour deviner et appréhender le cheminement de sa vie, ce qui a pu le pousser à devenir ainsi. Mais je ne parviens pas à concevoir tel changement...

-Pourquoi Leiftan ? explose Ezarel, me volant mes mots. Explique moi juste d'où te vient cette haine des humains ? Nous vivons ensemble ici depuis longtemps. Pourquoi nous haïr ? Pourquoi vouloir nous détruire après tant de temps ?

-Je n'ai pas besoin de raison pour être écœuré par votre existence ! Vous me dégoûtez ! gueule-t-il. Les Moraï sont les créateurs d'Eldarya ! Ils ont fondé ce havre de paix pour toutes les créatures mystiques qui étaient chassées de la Terre ! C'était un refuge, loin des humains qui nous persécutaient !

Les yeux exorbités de l'Étincelant démontrent bien que cette situation lointaine se ressent encore aujourd'hui. Tout du moins, de son point de vue.

-Les accepter ici, reprend-il en m'accusant du doigt, c'était leur ouvrir les portes de notre sanctuaire et leur permettre de réitérer leurs ignominies !

-Tu te rends compte que tu t'abaisses au niveau de ces fameux humains que tu détestes tant ? tenté-je. Tous ne sont pas comme tu le décris. Mais toi, tu es bien pire encore !

-A la différence que moi, je protège mon monde en le purgeant !

-Non, je ne peux pas te croire, refusé-je. C'est plus fort que moi, Leiftan. Tu as de la bonté en toi, je l'ai senti. Je n'ai pas pu me tromper à ce point ! Tu n'as pas pu me duper à ce point !

-Oh mais réveille-toi ! tonne-t-il, à bout de patience. Tu es vraiment aussi stupide que ce tas de cailloux !

Je sers les dents pour ne pas répondre à sa provocation. Il sait comment me faire sortir de mes gonds.

-D'ailleurs... puisque tu as l'air de tant tenir à lui, je te le laisse, une dernière fois.

-Qu... quoi ? ouvris-je de grands yeux.

Le pouls d'Ezarel s'accélère, les battements aux veines de son poignet sont perceptibles. C'est quoi encore, cette entourloupe ? Leiftan s'arque sur lui même pour s'adresser à Malachite, resté derrière.

-Va t'occuper d'eux ! Tue la fille.

Mes poumons se serrent. Il n'a pas le droit de faire ça ! Aussitôt, je reporte mon attention sur Malachite. Je n'ai pas peur, je sais qu'il ne me fera rien. Je sais qu'il ne lui obéira pas.

-Je sais que tu es mon ami, Malachite, soufflé-je, plus pour moi que pour lui. Un ami sincère et vrai. Je sais que jamais tu ne me feras du mal.

Les pierres précieuses de son regard ne luisent pas un seul instant lorsqu'il s'avance un peu. Arrivé aux cotés de Leiftan, il va pouvoir le frapper, alors qu'il ne s'y attend pas le moins du monde. Leiftan pense que Malachite lui obéit ? Il va tomber de bien haut !

Le Golem fait un pas en avant, s'éloignant de son Maître. Mon cœur se serre, contracté entre mes côtes. Mon sourire s'efface en même temps que ma confiance inébranlable.

-Non... soufflé-je. Malachite, s'il te plaît, non.

Les échos du rire de Leiftan m'enlacent les tympans tandis que mon Golem s'avance doucement vers moi. Toute la cruauté qui ronge son âme suinte par son hilarité. Il savoure déjà sa victoire. Il sait que je ne peux rien contre mon ami et qu'il peut nous balayer en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.