Chapitre 31 - Le Glas des Sylphes

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Lorsque j'ouvre les yeux, je suis seule. Tout d'abord sans bouger, je tente d'observer ce qui m'entoure. Je ne sais pas où je suis. Que s'est-il passé ? Je me souviens de cette vague de Maana qui m'a submergée. Je la contenais sans réellement m'en rendre compte depuis si longtemps que lorsqu'elle a débordé, elle m'a prise de court.

J'ai encore ce bourdonnement dans mes oreilles. Est-ce que c'est le flux de Maana lui-même que j'entends ? Ce trop plein qui force contre mon tympan ? Quelques oiseaux piaillent au dehors. Je dois être encore chez les Sylphes. Au dessus de moi, un plafond de bois, sauvagement décoré de lierre et de fleurs printanières. La pièce me paraît sommairement meublée. Une petite table face au lit, avec un tabouret, pour seul mobilier. Une petite fenêtre taillée dans le mur du cocon de bois. A son opposé, une porte, par laquelle filtrent quelques rayons de soleil.

Je me redresse sur mes coudes et tente de sortir du lit. Des courbatures m'élancent dans tout le corps, me faisant chuter sur les draps comme une vieille loque. Je reprends ma respiration avant de faire un nouvel essai, quand mes yeux se posent sur une chaise de paille à coté du lit. Je ne peux retenir un soupir de soulagement quand je constate que la veste d'Ezarel ainsi que son écharpe et celle de Nevra y sont soigneusement pliées et empilées. Les Sylphes ont pris soin de mes précieux trésors. Dans mon malheur, un sourire étire mes lèvres. Je tends la main pour saisir les étoffes, mais je suis trop loin. Même à bout de bras, je ne parviens pas à effleurer les étoffes.

-Ça m'aurait étonné, grincé-je. Même ça, c'était prémédité. Destin de mes deux !

Poussant à nouveau sur mes coudes, je m'assieds. La tête me tourne, je me suis relevée trop vite. Posant mes pieds nus à terre, j'appuie sur mes jambes pour me redresser alors que je m'élance en avant. Sauf que les dîtes-jambes n'obéissent absolument pas. Debout sur deux fils de coton, je m'écrase au sol, me rattrapant sur la chaise, la faisant basculer et chuter.

L'instant d'après et dans un grand fracas, je me retrouve ventre à terre, le nez dans la poussière, perdue au milieu des soieries froissées. Mes jambes. Je tente de les ramener à moi pour m'accroupir mais rien n'y fait. Elles ne bougent pas d'un centimètre. Paralysées. Une peur grandissante s'empare de moi. Mon cœur s'accélère. Un gémissement de panique sort de ma gorge alors que je resserre mes doigts sur l'écharpe turquoise, au sol.

-Waïtikka ? Qu'est-ce que... s'exclame une voix que je reconnaitrais entre mille.

Ezarel accourt près de moi et s'accroupit, sans oser me toucher.

-Comment tu te sens ? s'enquit-il.

Pas de blague ? Pas de pique acerbe ? Venant de lui, ça ne peut qu'annoncer quelque chose de mauvais... Je relève les yeux vers son visage, alors qu'il étire ses lèvres pour se moquer :

-La Belle au Bois Dormant a oublié comment marcher ?

-Ez', ne ris pas, le supplié-je.

Il comprend à ma voix que je ne suis visiblement pas d'humeur, puisque son sourire s'efface aussitôt pour laisser place à un froncement de sourcils. Il ne dit rien. Il me regarde seulement avec ses yeux emplis de questions. Je les lis rien qu'à son regard. Dans un dernier effort que je veux discret, je tente de glisser mes jambes vers mon bassin pour me rasseoir. En vain.

Alors je craque. Sans lui donner d'explication. Sans avoir de raison à fournir. Je tombe en sanglots. Les larmes s'écoulent de mes yeux sans que je ne puisse les arrêter. Je n'ai pas l'habitude d'être prise pour cible. Je n'ai pas l'entraînement nécessaire pour faire un bon punching ball ! Parce que clairement, si c'est ça le destin, il s'en donne à cœur joie !

-Ez'... pleuré-je sans parvenir à lui parler.

Il approche sa main de moi, hésitant. Je vois bien qu'il ne sait pas comment réagir. Il ne comprend pas ce qu'il m'arrive et je ne l'aide pas. La cascade de perles salines qui glissent sur mes joues vient souiller l'étoffe délicate de son écharpe, que je serre toujours aussi fort entre mes doigts. L'Elfe pose sa main sur mon épaule, qu'il fait légèrement pivoter pour me forcer à lui faire face. Je baisse le visage. Je ne veux pas qu'il soit témoin de mon désarroi. Je ne veux pas qu'il ait de moi cette image de petite fille fragile, brisée et détruite que je suis.

[Eldarya] Le Secret des MoraïWhere stories live. Discover now