Chapitre 34 - Que les Étoiles m'en soient Témoins

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Allongée sur le coté, les draps légers posés sur mon flanc et la tête calée dans mon oreiller, je tourne le dos à la porte et observe les étoiles à travers ma petite fenêtre. Mes yeux restent secs. Je n'ai plus la force de pleurer. Il y a quelques jours encore, j'aurais passé la nuit à me morfondre, à ressasser mes erreurs. Oh, je les ressasse, mes erreurs, mais je ne parviens pas à pleurer. Mes larmes se sont taries en même temps que mon espoir.

Est-ce un jeu pour toi ? Irisée, Oracle, ou quelque soit le nom qu'on te donne, prends-tu plaisir à jouer avec moi comme tu le fais ? Pourquoi m'amener à rencontrer des personnes, me les faire aimer, si tu me les arraches aussi brutalement ? Pourquoi me pousser vers Ezarel en sachant pertinemment qu'il ne voudrait pas de moi ?

En fait, je suis sûre que même toi, tu ne sais pas, Oracle. Je ne comprends rien. Absolument rien. Il ne m'a pas repoussé, il était troublé, je l'ai senti à la vibration du Maana tout autour de lui. Ezarel était paniqué lorsque nos bouches se sont effleurées. Mais l'onde dans l'énergie a changé et ce n'était pas du dégoût qu'il ressentait. Bien au contraire. Je sais qu'il en avait envie au moins autant que moi. Alors pourquoi ? Pourquoi un tel revirement ? Pourquoi dois-je encore me retrouver seule, délaissée, repoussée et non désirée ?

Dans le ciel sombre, une lueur chute vivement du ciel. Je retiens ma respiration. Une étoile filante ? Serait-ce un signe de ta part, Oracle ? Essayes-tu de me faire passer un message ? Une autre lueur traverse une fois de plus le ciel. Mais au lieu de s'écraser vers le sol, elle s'élève dans les cieux. Je souffle de dépit. Ce ne sont que des lucioles. Je m'en serais émerveillée, il y a quelques temps, mais ce soir, cette nuit, je n'ai plus goût à rien. Je veux rentrer chez moi, dans ma famille. Tirer un trait sur ce cauchemar que je vis depuis des semaines.

Mes paupières se font pesantes alors que ma cage thoracique me compresse à l'intérieur. Je n'aime pas m'endormir le cœur lourd. Ce sentiment de solitude, d'échec total, d'inutilité, j'ai l'impression qu'il s'ancre à ma peau comme une gangrène qui me ronge jusqu'à la mort.

Je devine que le vent se lève à l'extérieur parce que quelques branches cognent légèrement sur la façade de ma cabane, dans mon dos. Pourtant je n'entends pas le bruissement des feuilles. J'envisage de me redresser sur mes coudes pour aller à ma fenêtre quand un grincement m'en dissuade. La poignée de ma porte s'active. Ce n'est pas le vent qui a cogné à ma porte. Quelqu'un est là, dehors et s'apprête à pénétrer dans ma chambre. Par réflexe, je me tasse dans mon lit et serre les draps contre moi.

Les maisonnettes des Sylphes, qui ne ressentent pas le besoin de protéger leurs biens, sont dépourvues de verrous. C'est donc sans difficulté que l'individu ouvre ma porte et la pousse légèrement. Toujours couchée sur le flanc, dos à la porte, je ne peux voir l'intrus. Je suis tétanisée à l'idée que quelqu'un pénètre chez moi sans m'en demander l'autorisation. Je me fais déjà tout un film sur l'identité de cette personne et surtout sur ses intentions ? L'apollon ? Qui souhaiterait peut-être faire plus ample connaissance avec moi. A cette heure-ci ? Elfïen, qui s'inquiète de mon état ? Le vieillard qui vient me dévoiler une nouvelle prédiction abracadabrante ?

-Waïtikka ? appelle une voix à peine audible.

Je le reconnaîtrais entre mille. Ezarel. L'Elfe. Celui qui vient de me briser le cœur. Que me veut-il ? S'excuser ? C'est un peu tard ! Regrette-t-il sa réaction ? Veut-il reprendre où nous nous en étions arrêté ? J'ai bien envie de me retourner pour lui hurler de sortir, pour lui dire que je ne veux pas le voir. Pas tout de suite, pas maintenant. Mais je suis crispée comme jamais et ne parviens pas à bouger d'un moindre centimètre. Si je lui parle, je sais que mes mots s'étrangleront dans ma gorge. Si je le regarde, je sais que ma vision se troublera. Alors j'opte pour la solution la plus lâche : feindre le sommeil. Quand il verra que je ne lui réponds pas, il partira de lui-même.

[Eldarya] Le Secret des MoraïWhere stories live. Discover now