Chapitre 37 : Des Cris dans la Nuit

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-On va s'arrêter là pour cette nuit, annonce Elkihal.

Nous posons donc nos affaires sans chercher à lutter contre la décision du Sylphe. Alors que je relève les yeux vers l'horizon, je réalise que nous sommes sur la toute dernière île de l'archipel. A son extrémité, je ne vois rien d'autre que la plaine de Foehn qui s'étend encore de ce coté-ci. Un sourire éclaircit mon visage quand je me dis que, enfin, nous allons à nouveau marcher sur la terre ferme.

Le ciel prend une teinte de rose et de mauve au loin alors que je m'assois près du feu de camp que Malachite a allumé. Ezarel sort déjà de quoi manger de sa sacoche et Elkihal s'affaire à nous préparer des piques avec des branches taillées. Génial, un barbecue, ça faisait longtemps ! Les garçons embrochent les légumes des Sylphes et les disposent au dessus du feu, en appui sur quelques grosses pierres. La délicieuse odeur de cuisson emplit déjà mes narines et j'en ai l'eau à la bouche. Une des brochettes m'ayant l'air à peu près cuite, je tends la main pour m'en emparer, mais une claque sur mes doigts m'en dissuade. Je relève brusquement la tête vers le coupable, avec toute l'incompréhension qu'il génère chez moi.

-Pas encore, ma jolie semi-Sylphe, raille Elkihal. Ils ne sont pas cuits.

-Mais j'ai faim, le supplié-je, comme une gamine.

Le rouquin hausse les épaules en signe d'abandon :

-Fait comme tu veux, mais s'ils ne sont pas parfaitement cuits, ces légumes-ci provoquent des petits problèmes gastriques...

-"Gastrique" comment ? m'enquis-je.

-Des relents et... des gaz, hésite-t-il à terminer. J'imagine que tu n'as pas envie de lapider ta féminité en nous larguant des caisses monumentales toute la nuit, si ?

Ma mâchoire m'en tombe ! Non en effet, je n'en ai pas envie.

-Et puis, poursuit-il, tu risquerais de rameuter plein de bestioles avec le bruit.

-Et l'odeur, renchérit Ezarel pour compléter.

Mes yeux passent de l'un à l'autre dans un mouvement frénétique. Ils se bidonnent tous les deux comme deux potes après s'être raconté la meilleure blague de Toto. C'est nouveau, ça ! Depuis quand ils s'entendent si bien ? C'est de se fiche de moi qui les a rapproché ? Merci, ça fait plaisir !

-Non, mais vous avez pas terminé, tous les deux ? m'exaspéré-je. Vous m'avez coupé l'appétit, bande d'idiots !

Sur quoi, je me renfrogne et détourne la tête vers l'horizon. Je me dirige d'un pas traînant vers l'autre bout de la toute petite île pour m'asseoir sur le bord. J'entends encore Elkihal rire en supposant que je n'ose plus manger de légumes crus de peur de me laisser aller toute la nuit. Non mais je vous jure ! Je le retiens, celui-là ! A peine quelques minutes après que le silence soit retombé, je discerne des pas dans l'herbe derrière moi. Une main se pose sur l'armature osseuse de mon aile gauche avant de glisser le long de mes plumes. Je tourne vivement la tête pour voir qui est l'auteur de cette caresse.

-Elles sont vraiment très belles, me sourit Elkihal.

Je ne parviens pas à cacher la pointe de déception dans ma voix quand je le remercie du compliment. J'aurais préféré avoir un moment seule avec Ezarel. Le garçon s'appuie sur ses mains au sol pour venir se camper à mon coté. Les pieds dans le vide, il regarde au loin, sans dire un mot. Comme je n'ai pas forcément envie d'entamer une discussion avec lui, je reprends tout simplement ma contemplation du paysage là où je l'avais laissée. Je n'ai pas l'intention de lui mâcher le travail s'il vient s'excuser de ses remarques odieuses. Du coup, pour penser à autre chose, j'essaye de visualiser le chemin qu'il nous reste à parcourir, mais je ne connais pas ces terres. De plus, la nuit tombe peu à peu et l'obscurité ne me permet pas de voir très loin. Je discerne à peine les reliefs qui bordent la plaine de Foehn, là bas.

[Eldarya] Le Secret des MoraïWhere stories live. Discover now