Sophie : Chapitre 8

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Lorsque le chariot arriva à destination, nous venions à peine de pénétrer dans les Landes. Il fallait aller plus loin, et je décidai de continuer à pied, après avoir remercié le fermier et sa femme. C'étaient de braves gens !

- A vot'place j'irais pas là-bas ma p'tite dame, me mit-il en garde. C'est un pays de sorcières et de magiciens !

- Oui oui, merci, je sais !

Que l'avenir me réservait-il ? Si ça se trouve, un magicien pourrait me libérer de mon sortilège. Ou même la Sorcière des Landes ? Après tout, si je lui expliquais calmement que je n'avais rien à voir avec ce maudit Hauru, que je m'excusais, peut-être accepterait-elle de me délivrer du maléfice... Je m'armai de toute ma détermination et poursuivis mon chemin sur un sentier de la lande désolée.

Je continuais mon périple toute la matinée. le sentier se faisait de plus en plus abrupte, des nuages bas venaient parfois me prendre dans leurs bras, le soleil était incandescent et l'herbe bien verte. un air plus pur que je n'en avais jamais respiré assainissait mes poumons, et même si l'âge ne me permettait pas d'avancer aussi vite que je l'aurais souhaité, j'étais assez satisfaite. Lorsque le soleil atteignit son zénith, je décidai de m'octroyer un petite pause. Toute la fatigue de la marche me retomba dessus alors que je m'assis sur un gros cailloux plat, face à la vallée. Là-bas, on pouvait apercevoir la ville, s'étendant dans le creux, au-dessus de laquelle volaient encore quelques avions de chasse. Je soupirai. Malgré tout, j'étais soulagée d'avoir quitté cette vie. Je croquai dans un morceau de pain, pris un bout de fromage, et songeai, tout en mâchant, qu'au final la vie était belle puisque j'avais encore toutes mes dents...

J'aperçus soudain un bâton à l'allure solide dépassant d'un buisson isolée, à quelques mètres sur ma gauche. Parfait ! Une canne idéale, juste ce dont j'avais besoin pour m'aider à avancer.

Je me levai douloureusement -l'âge, c'est terrible- et tirai dessus de toutes mes forces. Ah, il résistait, le bougre !

- GNNNNNNNN... Tu résistes toi ! Mais ne sous-estime pas mamie Sophie !

Au prix d'efforts surhumains et de craquements de mes pauvres vieux os, je parvins finalement à ...

"Pof !"

Un épouvantail avec une tête de navet improbable surgit devant moi. Sapristi ! Il portait un costume et un chapeau haut-de-forme, et avait même une pipe et un neud papillon ! Perché sur son bâton, il avait presque l'air vivant.

- Tu es un épouvantail ? m'étonnai-je. J'ai bien cru que tu étais un démon au service de la Sorcière ! Mon pauvre ami, qui t'a abandonné cet endroit désert ?

Il tenait debout tout seul, et semblait rire.

- Tu as une drôle de tête, tu ressembles à un navet ! Ne le prend pas mal, poursuivis-je, mais j'ai une sainte horreur des navets ! Au moins tu es debout à présent, tu n'as plus la tête en bas.

Je tournai les talons et lançai, en m'éloignant :

- Bonne chance, mon ami !




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