Sophie : Chapitre 6

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Une femme se tenait dans l'encadrement de la porte, qu'elle occupait complètement de par sa large stature. Ses lèvres peintes d'un rouge écarlate et ses yeux fins semblaient moqueurs, et un éclair de mépris traversa ses pupilles lorsque j'annonçai, agacée :

- Je suis navrée madame, la boutique est fermée. Je vous prie de m'excuser, j'étais sûre d'avoir fermé la porte à clé.

Elle me toisa avec hauteur. Elle avait refermé la porte, et s'avançait au centre de la pièce. Elle lança un regard circulaire.

- Mais quelle boutique pouilleuse... Toute aussi pouilleuse que ses chapeaux ...

Comment osait-elle critiquer l'œuvre de la vie de mon père ? Après un simple coup d'œil ?

- ... Même toi, mon enfant, tu as l'air d'une pouilleuse...

- Ce n'est qu'une modeste boutique de quartier, madame, répondis-je sèchement, avant de d'aller lui tenir la porte, lui signifiant clairement qu'elle devait partir.

- Je vous prierais de sortir immédiatement ! clamai-je, furieuse.

Ses yeux se plissèrent encore plus, son grand manteau de fourrure noir frémit -hélas, pas de peur- et un sourire cruel se dessina sur son visage luisant (gourmand ?).

- Tu as osé défier la Sorcière des Landes, ma p'tite ? Mais quelle témérité !

Je me figeai, épouvantée. Non ! C'était impossible ! Une expression de terreur se peignit alors sur mon visage. 

- La Sorcière des Landes ?... 

Non ! Je voulus sortir mais deux sbires de la Sorcière, des hommes-caoutchouc à loup noir et à chapeau haut-de-forme, qui ressemblaient de texture à s'y méprendre à nos poursuivants de tout à l'heure, me barrèrent le passage ! 

Je hurlai.

Tétanisée, je me retournai, et n'us que le temps de voir la Sorcière des Landes s'élever et foncer sur moi, ses bras fantomatiques écartés comme pour mieux m'étreindre. Que se passait-il ?

Je m'effondrai sur le sol, incapable de faire le moindre mouvement. Une douleur fulgurante s'était emparée de tout mon corps. Tremblante, recroquevillée sur moi-même, j'entendis, lointaine, la voix mesquine et rieuse de la Sorcière une dernière fois avant que la porte ne se referme sur elle :

" Tu ne pourras jamais parler à quiconque de ce maléfice... Transmet mes amitiés à Hauru !"

La porte de la boutique claqua. Le silence fut si soudain qu'il résonna violemment au plus profond de moi-même, me laissant la tête comme écrasée et le corps disloqué.

Que venait-il juste de se passer ? Je ne comprenais pas. Pourquoi ? Qu'est-ce que...

Je tentai de me relever. Mon corps tout entier me faisait mal, j'eus la très nette impression d'avoir été écrasée, d'être passée sous un train. Mes os étaient étrangement douloureux ...

Je ramassai mon chapeau, et vis des mains.

Mes mains ? Impossible. Elles étaient fripées, ridées, vieillies... Je... Je tâtai mon visage... Il n'était plus  lisse ! Il... On aurait dit un vieux morceau de parchemin qui...

Prise d'un doute affreux, je me précipitai au miroir, et ce que j'y découvris me fit frôler la crise cardiaque.

C'était une vieille femme. Elle avait d'horribles yeux globuleux, accompagnés un air ahuri à la fois grotesque et tragique. Des millions de rides sillonnaient son visage, lits taris des fleuves du temps écoulé. Elle avait le dos tout courbé, presque une naine ! Avec des cheveux secs et abîmés,  une petite natte blanche trop raide semblait piquée dans son crâne. 

Le pire, c'est que c'était moi. 

- C'est moi, ça ? Mon dieu, mais qu'est ce qui m'arrive ?

Lorsque cette information atteignit mon cerveau, je paniquai. Vraiment. Je fis le tour de la pièce plusieurs fois, revins vers le miroir, palpai mon visage encore et encore, mais c'était bien réel. Je sortis dans la cour, seulement éclairée par la lumière venant de l'intérieur. 

- C'est pas le moment de paniquer...

Je trébuchai sur un pavé. 

- Non, non, c'est un mauvais rêve, je vais me réveiller...

Le Château AmbulantNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ