Chapitre 23 - La Meute aux Trousses

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J'abats mes pattes griffues sur le Dalafa, mais en une fraction de seconde, celui-ci bondit au loin et je me rétame au sol. La créature gracieuse avale du terrain en se propulsant grâce à la détente habile de ses pattes. Aussitôt, sans me poser de question, je me lance à sa poursuite. Mon petit dej' ne se fera pas la malle aussi facilement. Mes pattes accrochent le sol et soulèvent des particules de terre meuble à chaque foulée. Je gagne de la vitesse, chaque muscle de mon corps est sollicité et je sens les douleurs de mes blessures se réveiller. Je n'en ai que faire pour le moment. J'ai faim et je vais manger ce petit Dalafa. Rien d'autre ne compte pour l'instant.

Petit à petit, je gagne du terrain sur ma cible. A chaque bond, l'animal joint ses pattes en un geste gracieux. S'il est aussi bon que beau, je vais me régaler. J'arrive presque à sa hauteur, quelques centimètres et je pourrais m'élancer sur lui pour le croquer. Je suis dans son sillage, je retrousse les babines, prêt à mordre. Je cligne des yeux. Et le Dalafa n'est plus là. L'enflure, il a brusquement bifurqué en bondissant. Il me sentait trop proche. Immédiatement, j'adapte la courbe de ma course pour le poursuivre. Le jeune cervidé gambade devant moi en dandinant sa délicieuse petite croupe. Il se fiche de moi, ma parole ! Je déteste qu'on se fiche de moi. Il ne perd rien pour attendre !

Réduisant à nouveau la distance qui me sépare de ma proie, je prends appuie sur un vieux tronc d'arbre mort, couché au sol et m'en sers de tremplin. En un rien de temps, je suis dans les airs, juste au dessus de ce petit arrière-train courbé. Mon corps musclé et la pesanteur me ramènent rapidement vers le sol. Je vais m'abattre sur le Dalafa comme une pierre, il sera fait comme une musarose ! Mon exécution est parfaite ! J'ouvre la gueule, tous crocs dehors. Lors de son prochain bond, mes griffes le feront prisonnier. C'en est fini de sa course moqueuse. Le Dalafa approche. Il tique. L'ombre menaçante que je forme au dessus de lui suffit à l'alerter du danger. En une fraction de seconde, la créature interrompt son saut et bifurque. Aussi rapide que l'éclair.

Moi, je tombe lourdement au sol, bredouille. Un grondement de frustration s'échappe de ma gorge alors que je me relève avec peine, hors d'haleine. Fou de rage, je m'élance à nouveau, mais j'ai tout juste fais un pas qu'une douleur aiguë à ma patte arrière m'arrête sur place. Je relève la tête et observe le Dalafa, déjà loin, gambader en tortillant des fesses. Je l'entends presque rire d'ici, avec ce gloussement qui est propre à cette espèce de familier.

J'ai raté mon coup. Je n'ai pas su attraper cette proie. J'ai le ventre vide et je suis à bout de force. Le QG est si loin et les autres toujours sur mes talons. Je sens leur présence menaçante partout dans ces bois. Je suis fait. C'en est fini de moi. Alors que l'ombre du Dalafa s'éteint derrière les arbres, je baisse la tête. Je n'en peux plus, je suis épuisé. Mes pattes n'auront pas la force de me trainer bien loin et je n'ai absolument rien à me mettre sous la dent. Je n'ai même pas la force de me transformer pour mourir sous une forme reconnaissable. En plus de ça, j'ai la gueule pâteuse. Je ne suis même pas en mesure de hurler une plainte au ciel. Je suis bien pitoyable. Les autres avaient raison. Un nabot comme moi n'a rien à faire dans l'élite d'Eel. J'ai été bien prétentieux de me croire à la hauteur, de croire que je pouvais aider le peuple de notre Royaume.

Et me voila, même pas capable de m'aider, moi. J'ai honte. Tellement honte. Tout ce que je voulais, c'était trouver une utilité. J'ai quitté ma meute, ma famille, la liberté de la chasse et la galvanisation du nombre en pensant que je pouvais participer à un but bien plus grand, servir une cause noble. Je suis une créature noble. Enfin... mon espèce est noble. Moi, je ne suis qu'un rejeton tentant de jouer aux grands. Et j'ai échoué lamentablement. Je voulais juste que le vampire soit fier de moi, qu'il me considère comme un égal. Qu'on puisse combattre dos à dos en laissant soin à l'autre d'assurer nos arrières. J'aurais tellement aimé... être une Ombre redoutable.

[Eldarya] Le Secret des MoraïWhere stories live. Discover now