Chapitre trente quatre - Liam

255 36 3
                                    


Je ne savais pas combien de temps mon corps allait encore tenir. J'étais plongé dans un chaos sans nom et je me noyais. Perdre pied n'était pas une sensation agréable, loin de cela. Mon corps était de plus en plus hors de contrôle, grêle et chancelant. Il ne contenait plus aucune force et son état empirait au fil des jours, des heures. La nourriture me manquait, les mouvements me manquaient et le sommeil me manquait. Mon esprit ne supporterait plus une nuit entière enchaîner dans ce sous-sol, à endurer une musique me contraignant à l'insomnie.

Leurs cris étaient affreux, les coups étaient épouvantables. Je ne pouvais plus citer un endroit de mon corps qui ne m'était pas douloureux sous les contusions. Ils avaient essayé de me détruire et étaient en train d'y arriver, m'amenant lentement à la folie. Mon corps et mon esprit allaient craquer, j'allais forcément les supplier d'arrêter cela, ce soir ou dans quelques jours. C'était intolérable, la douleur et la fatigue étaient intolérables.

La porte grinçante du sous-sol me sortit de mes pensées, je levais de petits yeux épuisés sur mon père, dans l'entrée de la pièce. J'étais sûr de pouvoir m'endormir, peut-être même lorsqu'il me frappait. Mon corps avait été poussé dans ses retranchements et, à présent, suppliait pour un peu de confort, un peu de sommeil, seulement quelques minutes.

Il relevait mon visage dans sa direction, pressant abruptement mon menton entre ses doigts âpres, étudiant mon état avec attention.

–– Je ne pensais pas que tu puisses tenir aussi longtemps sans me supplier, a-t-il dit lentement, laissant ensuite mon visage retomber brusquement vers le bas, lorsqu'il ne fut plus retenu d'aucune force. Tu es peut-être réellement fait pour la chasse.

Sa voix sonnait pensive, alors qu'il progressait dans la pièce, laissant ses chaussures traîner sur le sol glacé. Il restait cloîtré dans un mutisme apaisant quelque minute, mais le rompit, sa voix abrupte brisant le silence. Ma tentative de sommeil avait échoué.

–– Ta mère pense que tu vas mourir, peu importe combien de fois je lui assure que non.

Je maugréais de façon incompréhensible à cela ; j'allais effectivement périr sous peu s'ils me laissaient ici. Elle avait raison, il était fou. Je laissais mon corps pendre mollement, seulement retenu par les liens, qui blessaient mes poignets et mes chevilles. Sa main approchait de mon visage à nouveau, touchant mon menton lentement de ses doigts noueux. Ses veines semblaient sur le point d'exploser, traçant d'épaisses lignes sinueuses à la surface de sa peau.

Il défit mes attaches, l'une après l'autre, laissant mon corps retomber lourdement sur le sol glacé. Les extrémités de mon corps, engourdies par le froid, se contractaient fébrilement, créant de douloureuses crampes à travers mes muscles. Je pouvais sentir mon esprit batailler contre la fatigue et l'affliction, résistant chétivement contre un élément qui m'avait déjà battu. Je fus recueilli du sol par mon géniteur, qui posait une main lasse dans mon dos, balançant un de mes bras sur ses épaules pour me traîner dans la pièce. Il me fit gravir les escaliers, un par un, péniblement, jusqu'à ce que nous arrivâmes à l'étage.

Ma mère et une de mes sœurs, celle qui était une chasseuse de sang, se trouvaient là. J'arrivais vaguement à les distinguer, leurs yeux livides fixés sur moi. Elles me considéraient en silence, tel un inconnu, infiltré dans leur maison. Je ne pouvais pas réagir, mon corps me l'empêcher ; je me tus, restant cramponné à mon père, qui me traînassait à travers la bâtisse. Je ne pouvais plus me concentrer, mon cerveau semblait inerte, incapable de réagir. Pourtant, la souffrance subsistait, la tension produite par les contusions et mon dos ankylosé.

Lorsque je fus déposé dans un lit, faible et épuisé, je sentis une nouvelle friction sur mes poignets, signe qu'ils n'avaient pas renoncé à me ligoter. Je ne me préoccupais toutefois pas de cela, alors que je me sentais sombrer lentement dans le sommeil, mes paupières à moitié closes. Je pouvais sentir à quelle allure mon corps s'alourdissait, figé dans mon épuisement. J'entendis encore mon père souffler quelques paroles indécises et nébuleuses, mais j'étais trop épuisé pour les déchiffrer.

Subséquemment, je fus trop faible pour distinguer le monde qui m'entourait ; les voix disparaissaient lentement. Je sombrais faiblement, alors qu'un amas de choses contradictoires se bousculaient de façon anarchique dans mon esprit. Je me laissais aller au repos, oubliant que mon monde pouvait être bouleversé pendant mon sommeil. 


Saccagé || Niam - en pauseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant