Chapitre 43

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La nuit tombée, je me retrouve seul dans mon lit après avoir couché Tom. L'absence d'Amber se fait bien évidement ressentir. Ce qui, malgré moi, engendre le pire sentiment que je puisse éprouver: la culpabilité. Fait chier ! Putain mais qu'est-ce que j'ai merdé ! Je n'ai jamais autant merdé. Je réalise par la même occasion à quel point je suis chanceux. J'ai levé la main sur une femme qui après cet acte violent, se trouve encore dans mon salon.
En me mettant à sa place, je réalise aussi que Lias traverse une situation des plus alambiqués. J'avais d'ailleurs oublié à quel point cette femme est jeune, je crains que les coups durs qu'elle ne cesse d'encaisser quotidiennement finissent par la faire craquer. J'aurais craqué. Je devrais sans doute lui présenter mes excuses mais j'ai honte. Un homme, un vrai, ne lève jamais la main sur sa belle. Moi, je l'ai fait. Et, bientôt, je finirais consumé par la culpabilité qui commence déjà à brûler mes tripes.

Mon long pantalon en satin gris en guise de pyjama enfilé, je fais face à mon reflet dans la glace de ma salle de bain. Des rides sont de plus en plus apparentes aux coins de mes yeux, je commence à vieillir. Je fais la moue à cette idée. Malgré les signes de vieillisse, mon visage paraît tout aussi jeune. Je me donnerai trente-ans. Ma barbe devient peu à peu imposante comme celle de David, peut-être que sans, je ferais vingt-sept ans ? Non...Je ne peux pas me raser. Amber me préfère barbu. Oh Amber si tu savais comme je suis navré de t'avoir frappé. Les bras appuyés sur le lavabo, la tête baissée, je me fais à l'idée qu'Amber Lias n'a rien à faire avec un type comme moi. Je suis bien trop odieux pour elle.

Alors que je m'apitoyais sur mon sort, dénombrant chaque raison qui fait de moi un amant infâme, Amber, sanglotante, entre dans la salle de bain. Mon cœur se serre. Ses yeux sont enflés, rougeâtres et inondés de larmes. Lorsqu'elle s'aperçoit de ma présence, elle s'empresse de farfouiller dans la trousse à pharmacie logée dans le premier tiroir du lavabo. C'est le moment ou jamais Muller !

- Amber, je suis désolé.

J'ai l'impression d'être invisible. Amber ne m'a pas adressé un regard, j'ignore même si ses oreilles se sont concentrés sur mes paroles. Je retente une seconde fois.

- Amber, je te demande pardon. Je n'aurais jamais dû...qu'est-ce que... m'arrêté-je à la vue de la marque que ma gifle a laissée sur le visage angélique de Lias. C'est moi qui t'aie fait ça ?

Lias se libère alors de toutes les larmes qu'elle réprimait. Elle pleure. Silencieusement. Elle me fait de la peine, elle me fait aussi ressentir sa peine, qui, ajoutée à ma culpabilité, me défonce le cœur.

- J'espère vraiment que Tom est ton fils Thomas. J'espère que j'ai mérité cette gifle, stipule-t-elle après s'être raclée la gorge.

- Si ça te tient vraiment à cœur, nous procéderons à un second test de paternité. Sans que personne d'autre hormis toi et moi le sache, je lui propose.

- Non, contrairement à toi, je ne doute pas de ta conviction.

- Ai-je récemment douté de l'une de tes convictions ?

- Oui, quand je t'ai annoncé que Paul est en bonne santé...

- Amber...réalises-tu l'absurdité de ce que tu avances ? Il y a encore un mois, j'aurais sauté de joie, je t'aurais fais l'amour comme jamais mais aujourd'hui, j'ai un fils. Je ne peux pas me permettre de prendre un aussi grand risque...

- Je ne t'ai pas demandé de me faire l'amour Thomas.

- Oui, tu as bien raison. Viens là, la suggère-je en lui tendant les bras.

Amber décline mon offre en secouant légèrement la tête. L'impassibilité de son regard envers moi me déchire. Elle me regarde comme si j'étais une cause perdue. Alors, démuni de mon immense fierté, je me jette à ses pieds. Agenouillé. Pour la toute première fois de ma vie, mes genoux s'apitoient sur le sol, pour une femme. Pour Amber. Et, pour combler le tout, ma culpabilité étant à son apogée, engendre la coulée d'une larme. Une larme qui me permet de dégager toute la pression qui me turlupinait. Amber quant à elle, elle se tient devant moi et, les bras croisés, elle porte le masque de l'indifférence.

- Je suis sincèrement désolé Amber, commencé-je en attrapant ses mains. Je te promets que tout va s'arranger, je te promets qu'après tous ces obstacles, je t'épouserais et avec Tom nous fonderons...

Elle laisse échapper un rire nerveux.

- Arrête. Arrête. Thomas, en plus de deux ans de vie commune on ne cesse d'avoir des obstacles, les uns toujours plus grands que les autres. Alors ne fais pas une promesse que tu ne peux tenir. Toi et moi savons comment cette relation va se terminer mais nous luttons. On tente d'amortir chaque choc mais on sait pertinemment que...

- Tu penses vraiment ce que tu dis ? je lui demande en me levant, anéanti. Tu penses réellement que notre relation est vouée à l'échec ? C'est ça que tu tentes de m'expliquer ?

Après s'être passée la main dans les cheveux, avoir dégluti, avoir croisé les bras, Amber prononce les trois lettres que je redoutais fortement:

- Oui.

- Amb...

- C'est de plus en plus évident Thomas, me coupe-t-elle en haussant les épaules. Emma...ta femme, ajoute-t-elle en riant à nouveau, revient et t'apprends que vous avez un fils ! Tout est programmé pour qu'on se sépare et le pire dans tout ça, c'est que ce n'est qu'une question de temps maintenant. Alors on patiente, on attend sagement que ça arrive tout en faisant comme si de rien n'était...

J'y crois pas...

- Tu veux qu'on abrège cette attente inutile ? Cette perte de temps ? Faisons-le. Par contre, ne compte pas sur moi pour être celui qui prendra cette initiative, alors, quitte moi. Fais-le.

Visiblement surprise, les sourcils extrêmement froncés lorsqu'elle me regarde, Lias finit par me tourner le dos. Intriguant. Elle se retourne quelques instants plus tard et me demande:

- Tu veux qu'on se sépare ?

- Tu plaisantes ? Tu me fais un speech me faisant clairement comprendre que nous n'avons plus rien à foutre ensemble et tu me demandes si je veux qu'on se sépare ?

Elle semble réellement dépassée. Comme si j'étais le fou dans cette pièce.

- Je...Tu serais capable de mettre un terme à notre relation ?

- Si tu veux savoir qui de toi et Tom je choisirais si je le devais, sache que...ça ne sera pas toi, dis-je en quittant la salle de bain.

Les battements de mon cœur accélèrent si vite que je crains qu'ils finissent par le faire transpercer hors de ma cage thoracique. J'ai la gorge nouée, les mains moites, les poings serrés et les aisselles qui picotent. Envisager un avenir sans Amber m'est impossible. À quoi m'attendais-je ? Je me doutais bien que ça allait finir par arriver. C'était même ma plus grosse frayeur et c'est en train de se produire. Ma famille avait peut-être raison. Peut-être que la jeune fille de vingt ans avec qui je cohabitais n'est pas celle qui m'est destinée. J'ignore ce qu'elle est en train de faire. Peut-être qu'elle fait ses valises, peut-être pas. Mais pour l'heure, il faut que je me détende, peut-être qu'une cigarette m'aidera à y parvenir. Oui, sans doute. Je vais fumer dans ma véranda. Incapable de réprimer mes larmes, le cœur déchiré à l'idée que celle j'aime n'aime pas ma progéniture. Si Amber n'est pas la femme faite pour moi, de qui s'agit-il ? Existe-t-il une femme faite pour moi ? Où est elle ? Vais-je la rencontrer un jour ? Vais-je l'aimer comme j'aime Lias ? Voudra-t-elle de moi et de mon fils ? Tant de questions sans réponses qui accentuent la complexité de ma triste vie.

Broken I Where stories live. Discover now