31 - Ciel de braise

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              Le menton sur les genoux, j'observais l'extérieur depuis ma fenêtre tachetée de cendres. Au terme d'une nuit longue et funèbre, les premières lueurs venaient tout juste de crever la grisaille du ciel. Partout des groupes de soldats en faction marchaient à pas rapides, l'épée battant la mesure, et des chariots bringuebalants se précipitaient aux portes de Cérule.

Et tout cela était ma faute.

Mon esprit autant que mon anima étaient altérés mais les pleurs avaient fini, pour l'instant, par se tarir et la douleur de ces pertes injustes s'apaiser. On finit plus tard par toquer à ma porte. Je travaillai à afficher ma mine la plus neutre avant d'aller ouvrir.

— Hé, me salua Vixe avec un doux sourire.

Il m'entoura les épaules dans un geste sincère d'amitié. Hildegarde, à côté de lui, n'avait pas l'air de savoir comment agir et se balançait d'un pied sur l'autre, une ride d'inquiétude plantée entre les sourcils.

— Ça va... mieux ? hésita-t-elle.

Malgré mon état de deuil, je m'efforçai d'esquisser un sourire. Leur présence saurait me faire le plus grand bien.

— Venez, entrez, les invitai-je en m'écartant de la porte.

— Hm..., se fit entendre Vixe d'une petite voix, ce n'est pas grand-chose mais je t'ai pris les viennoiseries du Père Barnabus. Je me suis dit que ça te remonterait peut-être le moral...

— Merci, mais je n'ai pas faim, Vixe.

Il déposa tout de même le sac sur mon lit. Nous nous assîmes en tailleur sur le sol nu de ma chambre. Devant le silence gêné qui s'établit, je lançai donc d'un ton léger :

— Eh bien, comme ça, vous n'êtes pas à l'arène ?

— À vrai dire, Malve est allée tenir un discours sur l'esplanade. Toutes les activités sont suspendues pour l'heure, répondit Hildegarde, visiblement soulagée que je me fusse ouverte. Mais on comptait venir te voir. Simplement, on ne voulait pas... te brusquer.

— Désolés de ne pas être venus hier soir, s'excusa Vixe en baissant les sourcils. Inhannaë nous a dit de te laisser tranquille pour la nuit.

— J'avais besoin d'être seule. Mais je suis contente que vous soyez là maintenant.

Et c'était vrai. Hildegarde m'adressa un sourire rasséréné.

— Malve a donc préparé un discours ? repris-je, un peu curieuse à ce propos. J'imagine que toute la ville a été témoin de ce qui s'est passé. La fille de Tartoth entre les murs de l'Ordre... La nouvelle risque de déplaire à certains.

— On peut dire que ça a causé du bruit dans les couloirs, oui, confirma la guerrière. Des rumeurs couraient déjà sur ta présence à Cérule mais... ta démonstration de magie hier ne laisse plus place au doute. Malve répondra aux questions, elle fera de son mieux pour t'innocenter.

— Toute cette mise en scène à cause de Tartoth, laissai-je tomber amèrement.

— C'est pourtant n'importe quoi, tu n'es pas elle ! râla Vixe, une ombre sauvage et révoltée tapie au fond des yeux. Depuis le début, tu ne fais rien d'autre que servir l'Ordre. Et pour sauver les miches de cette bande d'ingrats, au passage.

— J'ai piqué une crise.

— Quand bien même !

— Non, soupirai-je. Je peux comprendre leur rancune. Les gens ont peur, Vixe ; ils ont peur de tout ce qui a trait à l'ennemi. Ils ne savent pas qui je suis, ni pourquoi je suis là. La seule chose qu'ils savent, c'est que l'Ordre héberge l'enfant d'une femme coupable de haute trahison. Alors je comprends. Moi-même je commence à en avoir assez des Faucons. Mon Dieu ! Ce qu'ils ont commis hier... c'est un crime impardonnable.

La DésillusionWhere stories live. Discover now