16 - Révéler au grand jour

297 30 273
                                    


              Les prédictions d'Inhannaë se révélèrent justes et je fus rapidement apte à poser le pied à terre. Ma blessure guérissait à vitesse stupéfiante et je profitais de ma convalescence pour enrichir mes connaissances dans le domaine de la guérison et de l'alchimie. C'était un quotidien tranquille, bien loin de la constante rudesse qui définissait l'entraînement militaire. Pour être honnête, j'aurais pu prendre goût à cette vie... si un monde ne m'attendait pas ailleurs.

Malgré mon grand plaisir à étudier et à réaliser mes propres expériences, mes pensées ne cessaient de revenir sur les événements produits à Sintu. Si l'arbre et la forêt avaient pris vie pour moi, alors qui étais-je ? Ces questions avaient un caractère obsédant.

D'un autre côté, je m'en voulais d'avoir aidé à ramener les cristaux entre les mains de la Bansidhe. Ce faisant, j'avais prouvé à Malve mon utilité pour l'Ordre, et j'avais, sans le vouloir, de moi-même enterré mes chances de quitter cet endroit au plus vite. Et pourtant... je n'avais pas su résister à la tentation de rejoindre la pierre, à chaque fois, comme si elle m'appelait.

Comme si j'étais la seule à pouvoir mettre la main sur elle.

J'étais toujours abîmée dans mes pensées quand les portes du Refuge s'ouvrirent pour laisser entrer le capitaine des paladins.

— Salut, Inha, salua-t-il la guérisseuse.

Sa voix chaude me raidit d'emblée sur ma chaise et un frisson agréable remonta le long de ma colonne vertébrale.

— Toi, tu as quelque chose à me dire, devina Inhannaë sur une intonation complice.

— Je dois annuler notre dîner de ce soir. Nous avons réunion avec le commandant de Braâr.

— Encore ? Seth, je vais finir par croire que tu cherches tous les prétextes pour m'éviter.

À moitié cachée par le rideau de l'alcôve, je tournai discrètement la tête pour les observer. Inhannaë, habillée dans des satins d'or et de vert d'eau, resplendissait d'une grâce à faire pâlir les divinités. Son visage exprimait en ce moment une joie sincère, et même un soupçon d'espièglerie. Ce n'était pas la première fois que Seth se déplaçait jusqu'ici pour la voir ; leurs conversations à voix feutrées témoignaient d'une intimité certaine. Mais à l'évocation d'un dîner, une pointe de déception m'étreignit le cœur. Il s'appuya à son bureau en lui adressant un sourire.

— Je saurai me rattraper.

Et ce fut peut-être car il se tenait près d'une femme hors du cadre habituel – une femme d'exception ! – que je réalisai combien il avait d'allure dans son pourpoint noir qui moulait ses larges épaules. Il me lança soudain un regard et leva une main en guise de salut, ce à quoi je répondis, très embarrassée, par un signe du menton. Ainsi démasquée dans mon flagrant espionnage, je m'en retournai à mes affaires.

Toutefois, un ingrédient de ma liste manquait à l'appel. Je me levai dans la précipitation et étirai un bras vers les hautes étagères pour atteindre la première rangée de fioles, mais ma blessure m'empêchait de me dresser sur la pointe des pieds.

Seth bougea la tête depuis le bureau.

— Tu as besoin de quelque chose ?

— Eh bien, bafouillai-je, le nez au sol, honteuse, à la recherche d'un marchepied, d'huile de raze mais c'est bon, je vais...

J'ignorais que le capitaine des paladins avait connaissance de l'ordre de rangement des étagères du Refuge, toujours est-il qu'il posa la bonne fiole sur mon plan de travail. J'eus seulement le temps de balbutier un remerciement qu'il disparut derrière le battant des portes. Si Inhannaë remarqua mes joues rosies, en tout cas elle ne fit aucun commentaire.

La Désillusion | Tome 1Donde viven las historias. Descúbrelo ahora