34 - Seth Vive-Lame

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              Nous nous tenions immobiles dans le silence vespéral. L'astre couchant inondait le ciel d'une lumière aux tons chauds et disparaissait peu à peu derrière la ligne sinueuse que formaient les sommets des arbres. Le village demeurait immuable, laissé indifférent face au déclin du jour.

— Avait-il un cristal chez lui tout ce temps ? murmura Seth.

Il n'avait toujours pas détourné le regard de la chaumière. Après une hésitation, je m'approchai doucement de lui. Son visage était livide et l'ambre de ses yeux reflétait les lueurs flamboyantes du crépuscule.

— Il va sans doute falloir fouiller la maison... On peut rester dehors avec les autres si tu préfères.

Mon capitaine baissa des yeux peinés sur moi et plissa les sourcils dans une expression qui le fit paraître, un instant, extrêmement vulnérable.

— Non, déclara-t-il finalement. Non, allons-y ensemble.

J'aurais voulu lui tenir la main mais je me contentai à la place de lui glisser un sourire encourageant. Comme si c'était ce dont il avait besoin, son visage se raffermit. Il m'écarta par précaution avec une dague dans le prolongement de son poignet, et la porte livra un grincement sinistre quand il la poussa.

La maison sentait le renfermé, quoiqu'elle dégageât une odeur végétale qui émoustillait mes sens. La pièce principale – sorte de séjour délabré – était plus longue que large, et sombre. Seth s'avança vers les rideaux troués et les tira d'un coup sec, soulevant dans la lumière cramoisie des particules de poussière. Les murs de pierre ainsi que l'âtre rappelaient les maisonnettes de campagne aux intérieurs rustiques. Un arbre tortueux, sur lequel étaient installés des bulbes épuisés de lumière, se dressait dans un coin, encore pleinement vivant, nourri par ses longues racines qui avaient contourné les fondations. Il restait quelques meubles en bois brut qu'on devinait être le travail d'un artisan amateur.

Le sol était parsemé de feuilles racornies, de poussière et d'objets de toutes sortes. Le désordre couplé au manque de mobilier et aux étagères vides, où quelques livres s'étaient affaissés sur eux-mêmes, laissait penser que l'endroit avait été pillé et investi à mesure du temps.

Seth fit un rapide tour de la pièce, disparut quelques secondes dans un couloir sur la gauche, puis il rengaina son arme dès qu'il en fut revenu. Entre-temps, l'escouade intriguée était entrée à notre suite. Kreg et Hildegarde observaient leur capitaine sans réellement comprendre où nous nous trouvions mais ils allaient devoir mettre par eux-mêmes les éléments bout à bout ; Émïoka, elle, était clairvoyante comme souvent. Quant à Reska et Crool, ils s'étaient parés d'une mine grave. Seth lâcha ses affaires près de la porte.

— Bien, déclara-t-il. Au travail.

Puisque les autres n'osaient toucher à rien, il ouvrit pour sa part, avec une impatience qui ne lui ressemblait guère, les placards de part et d'autre de la cheminée. Ce geste donna le signal de départ au groupe qui se dispersa dans la maisonnette. Je m'occupai avec Émïoka de déloger les livres et carnets qui occupaient encore la bibliothèque.

Au bout de longues minutes d'investigation, Crool poussa un éternuement à en faire trembler les fondations. Une famille de lézards détala à toute vitesse, tirée à regret de son sommeil.

— Désolé, renifla-t-il en essuyant sa truffe, penaud, il y a beaucoup de poussière.

— Oui, je suis d'accord, grimaça Kreg qui s'était penché sous la banquette, un orbe de feu matérialisé dans le creux de sa main.

La Désillusion | Tome 1Where stories live. Discover now