14 - Un rayon dans le noir

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Je sortis à quatre pattes de mon arbre et me ruai vers ma seule chance de survie.

Au beau milieu du tunnel obscur.

— À l'aide ! m'égosillai-je.

Seule avec mes dagues et mon sabre, je n'avais pas la moindre chance. Il fallait du feu ! Je criai à nouveau. Les autres ne devaient pas être bien loin ! Cela faisait déjà si longtemps qu'ils étaient partis ! Les ténèbres de ce gouffre mortel étaient partout, et la goule me suivait, j'entendais ses pas sur la terre caillouteuse, et je n'y voyais rien, et mon pied finit immanquablement par buter sur un obstacle invisible. Malgré la douleur, je me remis debout en vitesse et courus sur encore quelques mètres avant de chuter à nouveau. Cette fois, les râles gutturaux et les grincements qui résonnèrent entre les parois me parurent si proches que je hurlai à pleins poumons.

« Tu ne gagnerais pas bien longtemps à la course », m'avait prévenue Seth.

Tout à coup, une lance incendiée embrasa le tunnel et heurta de plein fouet la créature qui se mit à hurler à son tour.

— Eh, bas les pattes ! retentit la voix de Kreg.

Apercevant un halo de lumière au bout du tunnel, je m'y précipitai sans oser me retourner. Comme une intervention divine, le groupe de paladins courut dans ma direction avant de me dépasser. Hildegarde brandit sa hache sanglante pour l'abattre dans l'épaule de la goule en la démembrant presque. Le monstre, toujours enflammé, moulinait autour de lui ses griffes meurtrières. Mais les guerriers étaient agiles, coordonnés, la blessant tour à tour, et Seth porta le coup de grâce quand il lui trancha la tête d'un mouvement sec.

Le sang de la goule avait giclé partout ; à la lueur des brasiers, il luisait sur les armures de mes compagnons. Pelotonnée contre la paroi, un haut-le-cœur me souleva la poitrine et je me penchai pour vomir abondamment.

— Tu vas bien ? me demanda aussitôt Hildegarde en se hâtant vers moi.

— Plus de peur que de mal...

Les jambes flageolantes, je dus prendre appui sur la roche pour me relever, attendant que mon pouls tumultueux s'apaise. Pendant ce temps, un des paladins de l'équipe avait découpé la cage thoracique de la créature pour en extirper un cristal poisseux. Une odeur putride emplissait la grotte jusque dans ses moindres recoins.

— Ça alors ! Des goules qui vivent en paire, c'est déjà rare, mais alors en paire avec chacune un cristal de Fal ! s'estomaqua celui-ci en essuyant la pierre dans un chiffon. Elles n'auraient pas dû s'entretuer ?

Seth rentra son épée sans un mot. Il n'avait pas la réponse à cette question. Alors que tout le monde se préparait à sortir, Kreg me regarda m'épousseter, encore toute tremblante des pieds à la tête. Je le vis darder ses yeux de vermillon sur notre capitaine avec ce qui me semblait une colère muette, mais il garda son opinion pour lui. Je pris soin de bien contourner les restes de la goule, comme si elle pouvait encore à tout moment s'éveiller et m'arracher une jambe.

Dehors, Seth laissa les autres prendre un peu d'avance sur nous.

— Tu ne t'étais pas aperçue qu'il y en avait deux ? demanda-t-il en s'approchant de moi.

— Comme nous étions près de celui-ci, je n'y ai pas prêté plus attention, répondis-je en secouant la tête.

Il posa ses iris d'or sur mon visage fatigué.

La DésillusionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant