25 - La ligue de l'Ordre

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              Quelques jours plus tard, nous faisions halte pour une nuit au village de Sazel. La demande d'un répit avait été unanime et Seth, sans attendre l'accord de Reska, avait immédiatement adhéré à l'idée. Nous fûmes fort bien accueillis par les habitants de cette petite bourgade honorés de recevoir des paladins. Nous nous étions effectivement présentés comme tels, passant sous silence l'objectif de notre mission. Les aubergistes nous avaient proposé trois chambres à prix réduit et avaient insisté pour nous offrir le couvert, ce pour quoi ils obtinrent gain de cause après de longues négociations avec notre capitaine.

Puisque nos hôtes tenaient des sources thermales, Émïoka, Hildegarde et moi avions barboté des heures dans une eau délicieusement chaude. J'avais profité de l'occasion pour me récurer des pieds à la tête et lessiver correctement mes vêtements aux relents d'humidité.

Ce séjour s'apparentait à du luxe pour mon corps rudoyé par les semaines de bivouac. Le froid humide m'avait fait par trop négliger la toilette et mon dos commençait à se révolter contre la rudesse de nos couchages. Heureusement, la mission en Terre de l'Ouest touchait à sa fin : nous dénombrions quatorze cristaux en notre possession et les rayons d'énergie se raréfiaient aux alentours.

Assise en tailleur sur la terrasse de l'auberge, je relisais les parchemins pour le moins troublants. « La ligue de l'Ordre ». Un pouvoir partagé. Mes réflexions se trouvaient dans une impasse. Après tout, le terme de « ligue » revêtait peut-être une autre signification dans ce monde... Bien entendu que Malve avait eu à faire signer des traités comme preuve d'un changement de système et rien ne certifiait que ces documents étaient des exemplaires uniques ; certainement que les originaux étaient classifiés parmi les archives de Cérule.

Nous étions si loin du palais et j'étais si loin de Vixe pour lui faire part de mes découvertes ! J'avais étudié ces pages sous tous les angles à la recherche d'un autre indice ou d'un élément qui me ferait dévier sur une réflexion différente mais il n'y avait rien d'autre. En vérité, je me sentais glisser vers un chemin hasardeux ; chemin sur lequel les Faucons Obscurs m'avait placée. Mais encore une fois, tout ceci était une grave et invraisemblable théorie – accusation, même. Qu'est-ce qui me prouvait que ces traités étaient authentiques ? Les flammes ? La langue ? Et que faisions-nous du Cristal dans ce cas ? De Dana ? De quel mal pouvait-elle souffrir ?

Frustrée de mon bilan, je refermai le coffret et levai la tête. Hildegarde sculptait distraitement un morceau de bois dans son coin tandis qu'Émïoka fourbissait ses armes, en grande conférence avec Kreg et Crool. Allongé les bras derrière la tête, le maître des calomnieurs paressait près de moi.

J'hésitai longuement avant d'oser le solliciter :

— Les Faucons que vous mettez aux fers ne vous conduisent pas aux autres traîtres ?

— Si c'était le cas, tu crois que tu serais là à te poser cette question ?

— Mais... le philtre de vérité ? fis-je simplement, la gorge barrée par cet affreux souvenir.

— Le philtre de vérité est une préparation complexe qui requiert des ingrédients rares. Qui plus est, très peu de mages maîtrisent sa fabrication. Estime-toi chanceuse que Vive-Lame soit parvenu à convaincre Armandiel de faire une exception pour tes beaux yeux.

Je malaxai mes poings, une sensation de vide poignante aux entrailles. Notre échange me plongeait nécessairement dans les affres d'un événement traumatisant mais je tentai de passer outre.

— Pourquoi, que faites-vous avant ? Des interrogatoires jusqu'à rendre vos prisonniers fous ? Dans mon cas, j'ai cru que j'allais perdre la tête...

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