Chapitre 67

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L'air était humide et froid, strié des panaches de vapeur glacée qui montaient des cuves en contrebas. Les cliquetis sourds alternaient avec le grondement diffus des machines et le sifflement strident des vaporateurs.

Pourtant, sur la passerelle, c'était comme si un îlot de silence étouffant régnait sur le petit groupe immobile.

— Alors, une fois encore, vous faites les sales besognes du Directeur ! cingla Camyl, fixant Leftarm avec mépris. Remarquez, ce n'est pas ça qui doit vous empêcher de dormir... vous en avez l'habitude !

Le Seigé resta impassible, mais Claire, qui le connaissait si bien, vit ses yeux se durcir, sous le coup d'une émotion soigneusement maintenue. Comme si ce que la spatione disait touchait un point sensible, une brèche dissimulée dans la carapace du Maître de Bhénak. Tout aussi rapidement, cette impression disparut, mais Claire était sûre de ce qu'elle avait vu.

— Et tu ne sais pas tout... révéla-t-elle, sans quitter son professeur des yeux. Ils ont prévu de faire de ma planète une base d'approvisionnement, un petit pied à terre pour Kivilis, de l'autre côté de la Galaxie. Et comme les habitants les gênent un peu pour ça, ils sont en train de l'ensemencer avec Mazesley !

Son propre calme la surprenait. Quelque chose s'était brisé en elle, et elle avait l'impression de ne plus éprouver d'émotions, juste une colère glacée, tout entière dirigée vers l'homme en face d'elle.

— Mazesley ? répéta Camyl, perplexe. Qu'est-ce que Mazesley vient... Non !

Elle aussi venait de comprendre.

— Si, confirma Claire avec une terrible amertume. Simple et efficace... !

Leftarm haussa les épaules. La brève lueur de regret, qui avait un instant traversé son regard, semblait s'être définitivement enfuie.

— Eh bien, Assistante Monestier, je vous ai proposé un marché, tout à l'heure. Qu'avez-vous décidé ?

— Un marché ? jeta-t-elle avec écœurement. Que me reste-t-il à marchander ? Il me semble que vous les avez, vos Libertans ! Vous ne m'avez fait cette proposition que pour mieux me piéger ! Jamais vous n'avez eu l'intention de sauver ma famille !

Comment avait-elle pu croire - une seule seconde ! – à la sincérité de Leftarm ? Cet espoir, cette possibilité à peine entrevue, et déjà terminée, c'était comme si on lui ravissait ses parents une seconde fois.

— C'est là que tu te trompes, rétorqua alors le Seigé. Ma proposition tient toujours. Tu n'as que deux choses à faire.

— Et quoi donc ?

— Premièrement, tu me donnes toutes les informations que tu as pu noter lors de ton séjour parmi cette petite bande – et je parle de vraies informations, pas ce joli conte dont tu nous as gratifiés tout à l'heure.

Claire ferma les yeux. Était-ce si difficile ? Pendant des semaines, c'était bien ce qu'elle avait prévu de faire, elle ne pensait qu'à son évasion et aux informations qu'elle allait rapporter. Oui, les choses avaient un peu changé depuis, mais, après tout, serait-ce un vrai dommage pour les Libertans ? Elle avait vu certaines choses pendant son séjour parmi eux, certes, mais rien de vraiment crucial non plus... Rien qui ne pourrait les empêcher de continuer leur combat contre Kivilis, en tout cas.

Enfin, s'ils se remettaient de la perte de Camyl et Marc, bien sûr.

— Et ensuite ?

— Tu fais simplement ce que tu t'étais engagée à faire lorsque tu es entrée à mon service, et que tu m'as ensuite solennellement juré à bord de l'Inexorable, rappela froidement Leftarm. Tu reviens à Bhénak. Tu m'apportes ton aide pour pacifier Kivilis et le Quadrant.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant