Chapitre 24

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Claire quitta le turbolift qui desservait le Grand Bureau, saluant d'un signe de tête les gardes en faction, puis enfila le couloir, fulminant toujours. Dix baynis ! En pleine nuit, alors qu'elle n'avait même pas le prétexte de la foule pour se cacher ! En plus de ça, au Secteur E, où ses nombreuses incursions au Hangar Dix-Sept, du temps de l'équipe de Pieric, faisaient qu'elle n'y était probablement pas inconnue !

Ce qui n'était sans doute pas étranger au fait que c'était précisément là que l'envoyait le Seigé...

Parvenue devant le translift qui menait au Secteur E, elle s'efforça au calme. Déjà, son esprit pratique reprenait le dessus, examinant le problème, décortiquant les diverses possibilités. Elle savait que Leftarm, d'une manière ou d'une autre, ne perdrait pas une miette du spectacle... Elle en avait pris l'habitude, et cela ne la dérangeait désormais plus, ou presque.

Lorsque la cabine arriva, une ébauche de plan commençait à se faire sentir, au fond de son esprit. Alors que les Niveaux et Secteurs défilaient sur l'afficheur, elle tira son bayni de sa poche de cuisse et l'ouvrit d'un geste sec. Appelant le planning des équipes du Secteur, elle l'étudia soigneusement. 

Là. Oui, ça pourrait marcher...

Lorsque le translift s'immobilisa, elle tenait son idée.

Mémorisant rapidement les informations nécessaires, elle replia le bayni et sortit dans le couloir, se dirigeant d'un pas décidé vers le Hangar Trois. C'était l'un des plus grands, mais surtout, si elle devinait juste, l'un des plus fourmillant de monde : quelques jours plus tôt, toute une escouade de chasseurs y avait été rapatriée. Elle le savait, elle était là lors de la réunion de l'état-major dans le Grand Bureau, quand la décision avait été prise de ramener les appareils et leurs pilotes pour une révision générale. Cela n'avait pas manqué de faire tempêter quelques amiraux, qui voyaient d'un très mauvais œil un escadron entier – l'un des meilleurs apparemment, qui plus est – à terre à Bhénak. Mais ils n'avaient pu que s'incliner devant l'autorité du Seigé, et les vingt-cinq appareils s'étaient posés seulement quelques jours plus tôt.

Elle avisa le local de maintenance le plus proche, grâce aux lignes orange et marron du sol et aux icônes sur la porte. Tous ses sens aux aguets, elle tenta de sentir s'il y avait des personnes de l'autre côté. Sensation difficile à décrire, comme d'essayer d'écouter, de sentir, de voir, sans avoir d'information d'aucun de ces sens, et pourtant.

Malgré l'heure tardive, la zone était loin d'être déserte, et elle ne pouvait pas se permettre de rester plantée dans le couloir, la main sur la porte, sinon elle allait attirer l'attention. Décidant qu'elle n'avait ressenti personne dans le local, elle passa son poignet sur la plaque, espérant que son Code Rouge ne lui ferait pas défaut.

La porte s'ouvrit avec un déclic, et elle entra d'un pas décidé. Bien lui en pris, car contrairement à ce qu'elle avait perçu, la pièce n'était pas vide. Deux Treuzes en combinaison jaune de la Production étaient tranquillement assis sur un banc, mangeant avec appétit, tandis qu'un Humain en orange, la tête dans son casier, était en train de se changer.

Ils levèrent le nez à son arrivée et elle sentit son cœur lui manquer. Mais très vite, son entraînement reprit le dessus. Elle afficha un air assuré et se dirigea vers les casiers du fond, non sans leur faire un petit hochement de tête en passant. Le cœur battant à tout rompre, elle tenta de projeter vers eux une pensée apaisante.

Je ne vous intéresse pas... Je suis à ma place ici, vous n'avez pas à vous inquiéter... je ne mérite vraiment pas que vous vous posiez des questions...

Elle ne savait pas si elle s'y prenait correctement, s'ils percevaient quoi que ce soit, mais elle poussa les idées en leur direction, comme une couverture chaude et rassurante. L'Humain détourna très vite le regard, revenant à son casier, mais les deux Treuzes la fixaient toujours avec curiosité.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Where stories live. Discover now