Chapitre 39

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Je ne peux pas rester ici !

Claire tournait comme un ours en cage. Comment avait-elle pu en arriver là ? Depuis deux jours, elle enchaînait interrogatoires sur interrogatoires, et commençait à ne plus tenir en place, malgré tous ses efforts pour se calmer.

Oh, elle n'était pas maltraitée, et tout cela restait même pour l'instant relativement courtois. Ils en étaient juste à la première phase, mise sous pression et désorientation, mais elle ne se faisait pas d'illusions. Elle était aux mains des Libertans, et elle imaginait très bien ce qu'ils étaient capables de lui faire subir, si jamais ils découvraient la vérité à son sujet...

De tous les groupes de terroristes, armées privées, groupuscules et organisations criminelles qui fourmillaient dans la galaxie, il avait fallu qu'elle tombe entre les mains des plus dangereux... et ceux qu'elle avait le plus de raisons personnelles de honnir !

Pour l'instant, les Libertans qui l'interrogeaient s'étaient montrés plutôt polis. Mais il s'agissait de professionnels, elle ne s'y trompait pas.

S'ils veulent jouer à ce jeu, je peux leur en donner pour leur argent !

Elle avait été formée, au Centre, à résister aux interrogatoires de base. Et Leftarm l'avait quelquefois conviée à des « séances » dans les sous-sols de Bhénak. Elle reconnaissait sans peine la méthode, courtoise – pour l'instant - mais inlassable.

Le plus dur, c'est qu'elle avait conscience de s'être conduite comme une idiote, là-bas, sur l'Œil du Cyclone. Pourquoi était-elle donc sortie de sa cabine ?

Si j'avais réfléchi deux minutes, j'aurais compris que je ne m'étais pas trahie ! Que je n'étais pas enfermée par rapport à quelque chose que j'avais fait ! Ils auraient fait leur livraison, et m'auraient libérée juste après, en disant peut-être que c'était un problème sur la porte... A l'heure qu'il est, je serais sur Kivilis !

Elle était dépitée. Elle avait paniqué, oubliant tout ce qu'elle avait appris, juste parce qu'elle était terrorisée à l'idée d'arriver en retard au Mont Miroir.

C'est réussi !

Elle savait résister à un interrogatoire, certes, mais elle avait bien du mal à justifier le contrepass et les autres petits accessoires de son bagage. L'excuse du copain était plausible, et difficilement vérifiable, mais elle avait le sentiment que certains – enfin, surtout l'officier qui l'avait arrêtée, et dont elle ne connaissait toujours pas le nom – ne la croyaient pas.

Elle s'en tenait à sa ligne de conduite, jouant à merveille l'étudiante apeurée, mais combien de temps cela durerait-il ? Son identité factice semblait solide, et avait résisté à toutes les tentatives de vérifications plus poussées... mais là aussi, le temps jouait contre elle.

Il ne faut absolument pas qu'ils découvrent la vérité, sinon je ne donne pas cher de ma vie !

Mais même si elle continuait à faire illusion, elle savait qu'elle avait peu de chance de retrouver sa liberté...

Comme tout un chacun sur Kivilis, elle avait vu les holoactus, et elle avait également visionné les rapports expliquant comment ces groupes criminels tiraient une partie de leurs ressources de la vente de prisonniers à des marchands d'esclaves. Les captifs étaient alors expédiés dans les mines de contrebande, et nul n'entendait plus jamais parler d'eux, sauf quand Kivilis arrivait à démanteler les réseaux. Mais le Quadrant était tellement vaste qu'il était facile de monter une exploitation au détour d'une planète de quatrième catégorie, sans que personne ne vienne voir ce qui se passait en plusieurs générations.

Parfois, ces malheureux étaient libérés contre de fortes rançons, mais la plupart du temps, s'ils n'étaient pas directement réduits en esclavage, ils étaient utilisés comme otages, ou comme boucliers vivants pour protéger des sites stratégiques pour les terroristes, tels que des chantiers navals ou des bases d'approvisionnement. Les holojournaux relataient parfois ce genre d'exactions, qui soulevaient immanquablement l'émoi des foules qui réclamaient alors des sanctions exemplaires. Mais ces organisations criminelles, et particulièrement les Libertans, étaient insaisissables, et il était rare d'arriver à traduire leurs membres en justice : la plupart du temps, ils étaient tellement fanatisés qu'il était difficile de les prendre vivants.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Where stories live. Discover now