Chapitre 47

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Quelque chose d'humide et de frais sur le visage la réveilla. Elle mit quelques instants à rassembler les fragments épars de sa mémoire, puis ouvrit brusquement les yeux.

Le jeune Wardom retira la compresse qu'il avait posée sur son front et se redressa.

— C'est bon, elle est réveillée, lança-t-il à quelqu'un derrière lui. Doucement, reprit-il ensuite à son adresse. Vous avez pris un mauvais coup.

Elle repoussa la main tendue et s'assit, l'esprit encore embrumé. Elle se trouvait dans l'herbe d'une clairière, et à en juger par la couleur du ciel qu'elle voyait au-dessus des arbres, c'était l'aube... ou le crépuscule.

Le jeune Libertan était accroupi à côté d'elle, une trousse de survie ouverte sur les genoux. A une cinquantaine de mètres se trouvait le vaisseau, ou plutôt ce qu'il en restait, fortement incliné sur le côté et profondément enfoncé dans la terre meuble. Derrière lui, une longue traînée d'arbres brisés témoignait de la violence de l'atterrissage. Quelques fumées s'élevaient çà et là, et la coque était maculée de suie, de rayures et de coulées de métal fondu. Malgré tous ses défauts, était-elle forcée de reconnaître, Giles était un pilote hors-pair, pour avoir réussi à le poser avec si peu de casse – ou presque.

Instantanément, les brumes de son esprit s'éclaircirent. Elle avait survécu. Elle avait survécu, et les Libertans aussi.

Devant sa réaction de rejet, le jeune Wardom secoua la tête, puis se releva. Il referma la trousse de secours et, après un dernier regard appuyé, rejoignit la jeune femme aux cheveux blancs, debout non loin d'eux, et lui tendit la boîte.

Elle dressait l'inventaire d'une caisse ouverte devant elle, et accepta l'objet avec reconnaissance, cochant quelque chose sur son bayni. Giles était sorti de la soute du vaisseau avec une autre caisse antigrav, qu'il poussa vers eux et stocka à côté de la première. Quand il vit que Claire avait repris conscience, son expression se ferma, et elle devina sans peine ce qu'il pensait... Elle le fixa d'un air de défi.

Il nous a sauvé la vie, oui. Et alors ? C'était à cause de lui que je suis dans cette panade, pour commencer !

Interceptant leur échange silencieux, la femme se tourna vers elle. Claire retint alors un mouvement de surprise. C'était la première fois qu'elle la voyait vraiment, et son aspect était encore plus exotique qu'elle ne l'avait pensé de prime abord.

Outre son teint à la pâleur de craie, et ses cheveux courts et duveteux, presque semblables à des plumes, légères et indisciplinées, elle avait les yeux d'un vert indigo intense, quasiment sans blanc. Claire comprit alors qu'elle se trouvait face à une spatione, Humaine, indiscutablement, mais issue de ces lignées d'Humains qui vivaient depuis des millénaires dans des stations spatiales, et qui avaient peu à peu muté pour s'adapter aux conditions de vie à bord, sans soleil et souvent avec une gravité moindre. Elle en avait quelquefois croisés, dans les réceptions du Seigé comme dans ses différents cours d'immersion, mais n'avait jamais eu l'occasion de les approcher d'aussi près.

La femme paraissait jeune – mais c'était difficile à dire, avec ces cheveux neigeux, ce teint si pâle, et ces yeux immenses. Claire s'étonna. Aux réactions des autres Libertans, à la façon décidée, sans réplique, dont elle parlait, et à la manière dont ses ordres paraissaient suivis, il lui semblait avoir compris que la jeune femme avait un certain poids dans l'organisation terroriste. Or, elle semblait à peine plus âgée qu'elle.

— Ça va ? s'enquit alors la spatione, qui paraissait avoir remarqué l'examen détaillé dont elle faisait l'objet.

Claire hocha la tête sans répondre. Sa première réaction fut de détourner le regard, afin de ne pas paraître impolie en la dévisageant. Puis elle releva les yeux avec défi : elle n'avait pas à s'embarrasser de politesse avec ces gens !

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Where stories live. Discover now