Chapitre 6

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C'était une solide matrone d'âge mûr, aux cheveux courts et bouclés, d'un blond presque blanc. Elle portait une longue tunique à col polo, bleu sombre, à manches évasées, sur un pantalon large de couleur blanche, resserré aux mollets sur de petites bottines blanches, ce qui lui donnait une allure curieuse, un peu dansante, renforcée par sa petite taille.

Seigé Leftarm m'a chargé de m'occuper de vous, dit-elle d'une voix étonnamment grave, en la guidant le long du couloir. Je suis Elanore Matoovhu, Responsable Coordination du Secteur B de Bhénak. Vous, vous êtes Claire Monestier, la future assistante, c'est bien cela ?

Claire acquiesça, un peu gênée. Etre qualifiée « d'assistante » d'une personne importante comme son nouvel employeur lui semblait étrange, et même un peu ridicule... Elle n'avait aucune compétence, d'aucune sorte !

Ils vont vite comprendre que je ne fais pas l'affaire ! ça se voit à son regard, d'ailleurs, elle se demande ce que je fais là ! Pourvu qu'elle ne me pose pas trop de questions !

Après qu'elle eut accepté d'entrer à son service, Seigé Leftarm lui avait en effet bien fait comprendre que le projet « Celer » avait été mené dans le plus grand secret, et qu'elle ne devait en parler à personne. Mais est-ce que cela incluait ses employés ? Et sans mentionner « Celer », qu'avait-elle le droit de dire sur elle ? Sur ce qu'elle savait, et surtout sur ce qu'elle ignorait ?

Elle a l'air super sévère, en plus. Même quand elle sourit, elle fronce les sourcils !

Devant son silence, heureusement, la femme nommée Elanore Matoovhu n'insista pas. D'un pas vif, elle la guida vers une batterie d'ascenseurs. Elle passa son poignet sur une plaque, et l'une des portes s'ouvrit après une note étouffée.

— Niveau B14, annonça la digne matrone. Deux personnes, autorisation spéciale du Seigé n°475.

La porte se referma, et Claire eut l'impression que son estomac lui descendait dans les talons. Elle déglutit, appréciant aussi peu l'expérience que la première fois, dans l'ascenseur avec les soldats. Mais déjà, la cabine ralentissait et s'arrêtait.

— On ne badine pas avec la sécurité, ici, expliqua la femme avec le plus grand sérieux alors qu'elles sortaient de l'ascenseur. Chaque personne doit être identifiée pour pouvoir emprunter un turbolift. Il faut une autorisation spéciale pour procéder autrement. Vous en prendrez vite l'habitude, vous verrez.

Claire hocha la tête, même si elle n'était pas sûre de tout comprendre.

— Vous ne devez pas hésiter à faire appel à moi, si vous avez un problème, ajouta son guide, comme en écho à ses pensées. On vous a attribué un logement dans le secteur B14-B.

— Merci, répondit Claire.

L'autre eut l'air surprise.

— Oh, mais il n'y a pas de quoi... Quand êtes-vous arrivée sur Kivilis ?

— Avant-hier, répondit sombrement Claire – plus amèrement qu'elle ne l'aurait voulu.

Ainsi rabrouée, Elanore Matoovhu se tut, non sans lui lancer à la dérobée un regard inquisiteur. Claire ne s'étendit pas davantage, et pourtant, après le mutisme autoritaire de Seigé Leftarm, le simple bavardage de son guide, si normal, lui faisait déjà étonnemment du bien.

Ici, les murs étaient peints de couleurs pastel et rehaussés de moulures tarabiscotées, noires et argentées, soulignées de bandes lumineuses qui baignaient le couloir d'une lumière douce. Des panneaux métalliques recouverts d'inscriptions, dans cet alphabet inconnu qu'elle avait déjà aperçu à de nombreuses reprises, jalonnaient les parois. Sur le sol, curieusement souple, les mêmes bandes de couleur que dans l'autre bâtiment, mais ici, elles étaient principalement grises, même s'il s'y mêlait parfois des lignes rouges, violettes et vertes.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant