Chapitre 32

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Je vais mourir...

Allongée sur une étroite couchette d'une encore plus étroite cabine, Claire se sentait plus misérable que jamais. Toute la fierté qu'elle avait pu éprouver, l'arrivée de la navette étincelante dans la gigantesque soute de l'Inexorable, le fier vaisseau-amiral de Leftarm, les soldats au garde-à-vous pour accueillir le Chef des Armées, la vaste Passerelle, avec ses immenses baies qui donnaient sur l'espace – fort encombré, à vrai dire – de Kivilis, tout cela avait disparu dès que les nausées avaient commencé.

Le Seigé était resté sur la Passerelle jusqu'à ce que le vaisseau passe en ultralux, communément appelée vitesse-lumière. Même si c'était une appellation incorrecte... en fait, ils allaient des milliers de fois plus vite. Une année-lumière se faisait en trois heures, à peu près. Les réacteurs ultralux creusaient un trou dans la trame même de l'univers, permettant de se libérer de ses lois physiques. Une sorte de « raccourci » entre deux points, qui s'effectuait dans une dimension parallèle, ou quelque chose comme cela. Claire n'avait jamais vraiment compris la théorie, malgré les explications d'Inause, mais cela fonctionnait apparemment depuis des millénaires, alors elle se contentait d'accepter cela comme un fait. Un de plus.

L'ultralux n'avait rien à voir avec la technologie totalement innovante du Vortex, qui avait permis à la jeune fille d'effectuer un déplacement instantané entre deux points de la Galaxie distants de près de soixante mille années-lumière, un an plus tôt. Une distance qui aurait mis, sous ultralux, près de dix-huit ans – au minimum – pour être parcourue. Comme elle était bien placée pour le savoir, cette technologie avait été irrémédiablement perdue lors de l'attentat... Non, ne restait que l'ultralux qui, s'il comprimait effectivement l'espace de manière inimaginable pour un Terrien, imposait quand même de passer des jours et des jours à bord d'un vaisseau spatial pour se déplacer entre deux planètes...

Génial, quand on a le mal de l'espace !

L'Inexorable était l'un des plus gros vaisseau de la Flotte. Comme tous les bâtiments de Kivilis, sa coque était peinte en damier, avec le vert de l'armée et le bleu marine du spatial. Cela avait beaucoup choqué Claire au début, habituée au blanc et au gris sobre des films de science-fiction terriens, avant qu'elle ne finisse par s'y accoutumer...

Quand même, sur ce coup-là, ils ont des goûts bizarres. L'Enterprise aurait beaucoup moins la classe en vert et bleu...

Un gong avait soudain retenti, la tirant de ses pensées alors qu'elle observait les autres vaisseaux visibles par la baie. Il signalait que le vaisseau allait passer la Limite, ce qui voulait dire qu'il allait pénétrer dans la dimension de l'ultralux. Loin devant elle, sur la Passerelle surélevée, le Seigé était assis sur son fauteuil de commandement, entouré d'hologrammes tactiques. Elle-même se tenait debout à l'entrée du vaste dôme d'observation, près du centre de communication, attendant son éventuelle convocation, et ne perdant rien du spectacle ahurissant qui l'entourait.

L'immense coupole de transparacier offrait un panorama à couper le souffle sur l'espace environnant. En contrebas, dans la fosse circulaire, les techniciens et officiers s'affairaient autour des consoles et des écrans holo. Au signal, chacun avait saisi la main courante la plus proche, ou son pupitre, ou n'importe quel autre point d'ancrage, afin de se préparer au Passage.

Elle avait agrippé la poignée située à côté d'elle, essayant d'ignorer le mal de cœur qui commençait à monter – qu'elle imaginait encore, à ce moment, simplement dû à l'excitation de ce premier voyage spatial. La sonnerie avait changé de tonalité, et soudain, sa vision s'était dédoublée. Elle avait alors eu la très désagréable impression qu'on la retournait comme un gant. Ses instructeurs de simulateur lui avaient décrit la sensation – qu'elle était censée avoir déjà vécue, au moins une fois, pour arriver sur Kivilis -, mais la vivre était une expérience totalement différente... et terrifiante ! Si elle n'avait pas crié de saisissement, cela avait été seulement grâce à son vigoureux entraînement.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant