Chapitre 51

Depuis le début
                                    

Il craignait le pire, et c'est arrivé ! Comment le savait-il ? Et pourquoi est-il toujours aussi inquiet, alors que c'est fini ?

Certains parmi les habitants autour d'eux opinèrent à ses paroles, et filèrent sans demander leur reste. Mais la plupart ne l'entendirent pas de cette oreille.

— Mais pourquoi ? protesta l'un des rescapés, un Quartet couvert de poussière et d'ecchymoses. Il faut qu'on aille à l'hôpital !

— Croyez-moi, partez le plus loin d'ici ! intima à son tour Camyl. Si vous ne savez pas de quoi Kivilis est capable pour maintenir l'ordre, je vous souhaite de ne jamais le découvrir. Allez dans la forêt ! Le plus vite possible !

— Dans la forêt ? geignit une jeune femme qui avait une entaille sanglante sur le front. Mais vous êtes fous ! C'est à une heure de marche d'ici !

— Ils ont raison, rétorqua une nouvelle voix. Kivilis va revenir finir le travail, croyez-moi. Vous feriez mieux de vous barrer d'ici, et en vitesse !

Claire se retourna, reconnaissant l'homme à l'épée. Comment avait-il réussi à les suivre dans le chaos du bombardement, elle ne le savait pas, mais il était là, et il les observait avec curiosité, surtout Camyl, dont le capuchon avait glissé, révélant sa peau pâle et ses cheveux blancs, couverts de poussière et de suie.

— Vous dites n'importe quoi, s'emporta le Quartet, ses mains inférieures sur les hanches. En plus, on va pas aller dans la forêt alors qu'on est blessés. C'est de soins qu'on a besoin !

Les autres acquiescèrent. L'homme haussa les épaules, et tourna les talons, ajoutant sans se retourner :

— Libre à vous ! On vous aura prévenus... Moi, je me tire !

— Bon débarras, siffla Giles entre ses dents

L'attention de Claire fut subitement attirée par une brusque agitation au bout de la rue.

— Et merde ! jura Camyl de bien peu élégante façon en suivant son regard.

Des soldats. Il s'agissait bien de soldats de Kivilis qui avançaient, quadrillant méthodiquement la rue, forçant les gens à se relever et les regroupant.

Enfin, les secours !

— Barrons-nous ! murmura Giles.

Sans attendre leur réponse, il se glissa dans la ruelle la plus proche, traînant Claire derrière lui. C'est en vain qu'elle essaya de résister, alors que le pilote la tirait vers le haut de la venelle, extrêmement pentue, qui remontait en direction des faubourgs de la ville. Les Libertans ne voulaient évidemment pas rester là où des soldats de Kivilis, fussent-ils des équipes médicales, débarquaient...

S'il s'agissait bien de secours. Une heure plus tôt, elle n'en aurait pas douté. Mais après ce qu'elle venait de voir...

Elle jeta un regard incertain vers les murs au-dessus d'eux, qui semblaient dangereusement instables. Elle ne savait pas si les rescapés les suivaient, et à vrai dire, elle n'était pas sûre de comprendre vraiment ce qui se passait.

Elle manqua renverser Giles quand celui-ci s'arrêta brusquement, quelques rues plus loin. Ils avaient atteint une sorte de promenade, en surplomb des maisons d'un côté, qui donnait une vue plongeante sur la rue en contrebas. Il recula et la força à se baisser, pour se cacher derrière le parapet avec lui.

— On est coincés ! dit-il à Marc et Camyl qui arrivaient sur leurs talons, et qui, voyant son signe d'avertissement, s'étaient immédiatement accroupis à leurs côtés.

Claire releva précautionneusement la tête pour jeter un coup d'œil dans la rue en dessous. Et ce qu'elle surprit la glaça encore davantage que ne l'avait fait le bombardement. Incrédule, elle vit les soldats qui progressaient méthodiquement maison par maison, forçant les portes qui n'avaient pas été soufflées par les explosions, tirant de force les gens dehors et les rassemblant sous bonne garde, qu'ils soient blessés ou que ce ne soient que des enfants.

Non, ces militaires n'avaient pas l'attitude généralement associée à une équipe médicale...

Un bruit de bottes au bout de l'allée : des soldats arrivaient par derrière. Ils ne les avaient pas encore vus, mais ils leur coupaient désormais toute retraite.

Giles sortit doucement son arme de son holster. Comme s'il avait la moindre chance face à un tir croisé !

— Pssst ! Par ici !

Du porche le plus proche, l'homme à l'épée – encore lui ! - leur faisait signe. Les trois Libertans se regardèrent, puis d'un même mouvement, se relevèrent à demi et coururent jusqu'à l'abri inespéré qu'on leur offrait. De nouveau, Claire, tirée sans ménagement par Giles, fut obligée de les suivre.

Leur mystérieux sauveur referma aussitôt la porte derrière eux, puis les conduisit à travers un salon en désordre jusqu'à ce qui ressemblait à une cuisine. De la vaisselle traînait dans l'évier et sur la table, comme si les propriétaires étaient partis précipitamment. L'homme passa la main sur les faïences au-dessus de la console de nourriture, et une trappe, jusque-là indétectable parmi les autres grands carreaux de grès rouge qui l'entouraient, se rétracta silencieusement dans le sol.

— Vite, descendez ! Ils arrivent !

On entendait les lourdes bottes marteler les pavés. Sans poser de questions, ils descendirent l'échelle, Marc aidant Camyl toujours embarrassée par son attelle. Ils se retrouvèrent alors dans une resserre étroite, faiblement éclairée par un soupirail à demi caché derrière des étagères dépareillées. L'homme fut le dernier à descendre. Il remit la trappe en place au moment où des coups violents se faisaient entendre sur la porte d'entrée, et pianota rapidement sur un mécanisme situé sous la trappe.

Un verrou s'enclencha avec un chuintement étouffé. Quelques secondes plus tard, une violente déflagration ébranla le sol et les murs, faisant dégringoler une fine poussière sur le petit groupe, et les bottes des soldats résonnèrent bientôt sur le sol au-dessus d'eux.

Giles tenait toujours solidement Claire. Il lui avait glissé le canon de son pistolaser contre la nuque, lui chuchotant :

— Si tu fais un seul bruit, je t'assure, je te descends.

Elle sentait sa détermination, et savait qu'il n'hésiterait pas. Elle se tendit, puis réalisa qu'elle n'avait pas vraiment envie qu'ils soient découverts. Pas là. Pas par ces soldats.

Que lui arrivait-il ?



Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant