Chapitre 48

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Sept jours de marche épuisante plus tard, la végétation s'éclaircit peu à peu. Ils approchaient enfin de la civilisation.

Ils débouchèrent bientôt sur un chemin pavé de grosses pierres translucides. Sur un signe de tête de Camyl, les yeux rivés sur son compas électronique, le petit groupe commença à remonter la voie en direction du nord. La progression devint tout de suite plus aisée et rapide, sur cette route qui allait en s'élargissant, mais sur laquelle ils ne croisèrent aucun véhicule, de quelque sorte que ce soit. Les arbres étaient toujours aussi imposants, mais les alentours étaient dégagés de toute broussaille et soigneusement nettoyés.

Puis les premières habitations apparurent, à demi dissimulées par la végétation. Blanches ou ocres, dans cette même pierre vaguement translucide, elles avaient des formes organiques, irrégulières et sinueuses. Avec leurs fenêtres rondes, leurs dômes et leurs terrasses aux murets bas, elles se fondaient dans le relief vallonné, entourées de jardinets bien tenus et de plantes grimpantes aux teintes bleutées.

Au-dessus d'eux, les arbres étendaient toujours leurs imposantes ramures. La route se mit à serpenter entre les maisons, de plus en plus nombreuses, séparées par des haies dont la hauteur ne leur arrivait jamais plus haut que la taille.

C'était curieux, songea Claire. Exceptée la forme quelque peu psychédélique des maisons, formées principalement de dômes de toutes tailles collés les uns aux autres, cela ressemblait tout à fait à un quartier résidentiel banal. Il manquait les voitures garées dans les allées, les tondeuses à gazon et les piscines en plastique dans les jardins, mais sinon, jamais, depuis qu'elle était ici, Claire n'avait vu de paysage qui ne lui paraisse aussi familier. Plus de tours gigantesques, plus de stations spatiales. Simplement des maisons, et des jardins.

C'était déroutant.

Alors qu'elle observait le paysage autour d'eux, la jeune fille tentait d'ignorer la main de Giles, qui lui broyait les doigts de la main droite. Depuis qu'ils étaient sortis de la forêt, le pilote avait décidé de s'entraver avec elle, afin de s'assurer qu'elle ne profiterait pas du retour à la civilisation pour leur fausser compagnie. Un observateur pas très attentif penserait simplement voir un couple qui se tenait par la main, sans remarquer les menottes qui les liaient désormais, et Claire fulminait.

Ces sept jours de marche avaient été particulièrement difficiles. Tous se ressentaient de leur atterrissage mouvementé, couverts de contusions et de courbatures, et leur progression avait été lente, dans une végétation dense au relief tourmenté. Entre Camyl, la spatione, avec son poignet foulé, et elle, avec ses entraves, ils avaient avancé beaucoup moins vite que prévu.

La plupart du temps, Giles ouvrait le chemin, une machette à la main, luttant contre des lianes épineuses particulièrement coriaces, ensuite venait Camyl, étudiant son compas, puis Claire, soigneusement menottée – ce qui ne facilitait pas sa marche -, et enfin Marc, qui fermait la marche, pistolaser pointé, tous ses sens aux aguets.

Ils n'avaient pas rencontré de prédateurs ou de dangers particuliers, hormis un buisson aux fleurs rouges et bleues qui, effleuré par Giles le premier matin du voyage, lui avait valu une intense éruption, très douloureuse, qui avait duré plusieurs heures, et avait permis à Claire de découvrir qu'il pouvait jurer de manière très imagée et sans jamais se répéter. Autant dire qu'ils avaient ensuite évité comme la peste les fameux buissons, heureusement facilement repérables sur le vert bleuté uniforme de la forêt.

Le reste du voyage s'était déroulé sans soucis particuliers, mais le terrain accidenté les avait forcés à de fréquents détours, pour contourner des ravines difficilement franchissables ou des pentes un peu trop abruptes.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Where stories live. Discover now