Chapitre 44

14 5 6
                                    

Ce n'était pas possible ! Leftarm lui avait dit et répété combien les détenteurs du poeïr étaient rares, à présent ! Le gène s'était perdu, et pour lui, seul l'isolement génétique de sa planète expliquait qu'elle en soit dotée !

Pourtant, elle en avait un devant elle. Car là, il disait vrai : non seulement elle le sentait, mais maintenant qu'elle avait enfin compris, elle le voyait. Il avait bien l'espèce d'aura qu'elle avait appris à assimiler à Leftarm. C'était ça, ce sentiment de familiarité ! Pourquoi ne l'avait-elle pas compris plus tôt ?

Le Seigé était-il au courant ? C'était peu probable, d'autant plus que ce garçon ne devait pas être Wardom depuis longtemps. Mais... quelqu'un qui maîtrisait le poeïr, chez les Libertans... C'était une information capitale ! Il lui fallait absolument trouver le moyen d'avertir son employeur !

Un peu tardivement, elle réalisa que si ce jeune homme était effectivement Wardom, il pouvait alors suivre ses pensées. Elle barricada vivement son esprit – son entraînement avec Leftarm lui avait au moins appris cela, même si elle n'avait jamais vraiment réussi à lui cacher quelque chose, à lui – et observa plus attentivement son adversaire.

A son expression, elle sut qu'il avait compris qu'elle avait compris. Et il savait qu'elle était Wardom, cela ne faisait aucun doute... mais que savait-il d'autre ? Pouvait-il faire un lien avec le Seigé ? Avait-il suivi toutes ses pensées, depuis le début ? Bien peu de monde était au courant des curieuses aptitudes de son employeur, même s'il se plaisait à entretenir les histoires étranges qui circulaient à son sujet. Que savaient exactement les Libertans ? Quel piège était-ce encore ?

En tout cas, ce garçon était particulièrement stupide de se dévoiler ainsi devant elle, s'il avait compris ce qu'elle était et à qui elle répondait ! Réalisait-il le risque qu'il prenait ? Un instant, cette idée l'ébranla.

Enfin, le risque... pour l'instant, c'est encore moi qui suis prisonnière, pas lui !

Voyant qu'elle serrait obstinément les lèvres, le jeune homme secoua la tête, puis se releva.

— Tu comprends que tu ne peux pas rester ici. Tu es bien trop dangereuse pour nous.

— Je n'ai jamais eu l'intention de rester ici, de toute façon ! le défia-t-elle.

Ils y étaient donc... ! Cette étonnante révélation lui avait presque fait oublier, l'espace d'un instant, la vraie nature des Libertans. Avait-elle vraiment failli s'inquiéter pour le jeune homme en face d'elle, qui deviendrait une cible prioritaire du Seigé si – quand – ce dernier apprendrait ses dons ?

Mais en fait, le garçon était simplement venu essayer de la faire parler, jouant juste le masque de la complicité et du secret partagé ! Il n'avait pris aucun risque, en réalité ! C'était une ruse tellement grossière... dire qu'elle avait failli s'y laisser prendre !

Elle aurait dû être abattue, terrifiée. Elle se rendait compte qu'elle était surtout, toujours et encore, en colère. Contre ce gamin trop sérieux – il n'était probablement guère plus âgé qu'elle ! -, contre les Libertans, mais surtout contre elle, de s'être montrée si stupide, depuis le début, depuis qu'elle avait posé le pied sur l'Œil du Cyclone. A peine le Seigé lui confiait-il une mission – pas bien difficile, il fallait le reconnaître, juste rentrer par ses propres moyens sur Kivilis ! -, qu'elle échouait lamentablement... Et de quelle manière ! Capturée par les Libertans, échouant à s'évader malgré le poeïr, et manquant presque se laisser attendrir par un gamin convaincant !

Elle sentait obscurément que si elle laissait cette colère retomber, elle aurait tellement peur qu'elle serait incapable de faire un geste. Non ! Elle ne devait surtout pas penser !

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Where stories live. Discover now