Elle n'avait qu'une hâte : retourner dans sa chambre, pour tenter de renouveler son exploit, et pour continuer à consulter les documents remis par le Seigé. Peut-être y trouverait-elle des indices sur la manière de s'y prendre pour arriver à reproduire ce qu'elle était sûre d'avoir vu – mais était-ce vraiment si sûr ?

Alors, l'attitude mesquine de celle qui avait subitement, et de manière incompréhensible, décidé de lui chercher des histoires, lui passait désormais bien au-dessus de la tête.

— Aucun, maugréa la blonde, mais j'ai pensé...

— Eh bien, vous avez mal pensé, rétorqua l'officier. Il a été décidé que la Cadette Monestier bénéficierait désormais d'un régime d'externat, et c'est tout ce que vous avez besoin de savoir.

Le murmure de la classe reprit, plus fort cette fois. Claire serra les lèvres, la tête haute. Elle ne savait pas si les externes étaient courants au Centre, mais l'officier évitait soigneusement de la regarder.

— Silence ! intima-t-il. Maintenant, revenons à notre leçon. Cadette Dalmeda, puisque vous avez tant envie de parler, expliquez-nous donc les trois phases d'une mission de surveillance...

Alors que Rika s'exécutait, Claire sentit les regards peser sur elle. Sans doute croyaient-ils tous qu'elle était allée se plaindre à quelqu'un de haut placé à la suite de l'histoire de la veille...

C'était si loin de la vérité, et pourtant si proche, d'une certaine façon, qu'elle avait presque envie d'en rire.

Lorsque le repas de midi arriva, elle s'installa comme à son habitude à l'extrémité d'une des tables. Mais, contrairement à la veille, elle n'éprouva pas de pincement à l'estomac en voyant arriver la Cadette blonde, se contentant de l'ignorer totalement.

Quoi qu'elle puisse me faire, ça ne pourra pas être pire que ce que le Seigé m'a déjà fait, de toute façon...

La jeune femme dût sentir son désintérêt – à moins que l'idée qu'elle n'ait des protecteurs haut placés ne la fasse hésiter à poursuivre sa petite guerre mesquine. Ou le fait que tout un groupe d'officiers ne soit assis à la table d'à côté. Quoiqu'il en soit, elle s'installa avec les autres Humains du groupe, à bonne distance, sans tenter quoi que ce soit. Les sœurs Draaf, placées au milieu, pépièrent entre elles, les regardant alternativement l'une et l'autre, mais Claire n'aurait su dire si elles se moquaient d'elle, des deux, ou si elles discutaient juste des cours.

Elle se força à manger malgré la nausée. En plus de sa migraine, elle était percluse de courbatures, comme aux premiers temps de son entraînement avec le Lieutenant Saulnier. Ici, au Centre, les évènements de la veille paraissaient comme dans un rêve – ou un cauchemar.

A peine le dernier cours terminé, elle se précipita dans ses quartiers. Comme promis par le Seigé, son Code Rouge n'avait pas été désactivé, et elle pouvait donc continuer à entrer et sortir du Centre sans avoir à se justifier. Avec une bonne heure devant elle avant sa séance quotidienne avec le Lieutenant, elle espérait que ce laps de temps lui permettrait de progresser.

A son arrivée dans sa chambre, elle trouva un étrange appareil posé sur son bureau. Un mélange entre un bonnet de bain et un casque hérissé de pointes, souple mais parsemé de protubérances irrégulièrement réparties. Une note du Seigé l'accompagnait.

Ceci est un analyseur cérébral. Il vous permettra de visualiser vos tracés mentaux pour vous apprendre à vous concentrer correctement. Une fois que cette première étape sera acquise, je m'occuperai de vous apprendre le reste.

En aucun cas ces nouveaux cours ne vous dispensent de votre séance de course à pied du matin.

Elle pinça les lèvres en reposant l'analyseur, mortifiée par le rappel à l'ordre. Mais l'excitation restait trop forte pour qu'elle s'attarde longtemps sur la réprimande, et elle entreprit immédiatement de connecter son nouvel outil à son terminal. Elle s'installa confortablement sur son lit et, instantanément, lorsqu'elle se coiffa du casque, les ondes cérébrales – et d'autres qu'elle ne sut identifier au premier abord – s'affichèrent au-dessus de sa console. Un vaste fouillis de lignes qui oscillaient follement, comme douées d'une vie propre, et apparemment, absolument incontrôlables... En surimpression, un tracé vert sinuait lentement, paresseusement, et elle comprit que c'était sur ce dernier qu'elle devait se calquer...

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Where stories live. Discover now