Chapitre 18

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C'est ainsi que pour la deuxième fois en quelques mois, Claire bascula dans un nouvel univers.

Plus encore que lorsqu'elle avait traversé le Vortex, la limite entre le possible et l'impossible recula, se fondant peu à peu dans un lointain indistinct. Après une première bascule, d'ordre technologique, c'était désormais un tout autre chemin, encore plus imprévu, qui s'ouvrait maintenant devant elle.

Comme elle le découvrit dans les datatiges fournies par le Seigé, ce qu'il appelait « poeïr » n'avait rien de magique : c'était juste une capacité psy, connue et étudiée ici depuis des milliers d'années. Un talent particulier, extrêmement rare - d'autant plus que, sans l'entraînement approprié, il restait la plupart du temps dormant, totalement ignoré de ses détenteurs – et cependant incontestable.

Pourtant, même après avoir constaté d'elle-même, lors de cette terrible soirée, que ces pouvoirs existaient, il lui fallut beaucoup de travail pour renouveler cet exploit, qu'elle avait réalisé sous pression et sans savoir le moins du monde ce qu'elle faisait. Au point qu'elle se demanda sérieusement, les premiers jours, si elle n'avait pas rêvé toute cette histoire...

Seule dans sa chambre - comme lui avait promis le Seigé, elle avait réintégré sa petite pièce du Secteur B sitôt leur discussion terminée – elle tenta pendant des heures, cette première nuit, de manipuler par la pensée le bayni posé sur son bureau. Mais bien qu'elle se concentrât de toutes ses forces, le cylindre la nargua en refusant obstinément de bouger, ne serait-ce que d'un millimètre, et elle ne réussit qu'à se donner un sérieux mal de crâne.

Le lendemain, après une très courte nuit, elle redescendit au Centre, juste à temps pour sa première session de cours. Pour la première fois depuis longtemps, elle ne s'était pas réveillée, ratant la séance de footing avec les autres Cadets, et il s'en fallut de peu pour qu'elle n'arrivât en retard également en cours : elle se glissa derrière Driiiss au dernier moment, juste avant que leur instructeur ne referme la porte.

Elle s'installa à sa place, tentant de faire bonne figure devant les autres élèves. A en croire les regards en coin et les chuchotements qui bruissèrent soudainement avant que l'officier ne réclame le silence, son absence de la chambrée, puis lors de l'entraînement sur les Remparts, avait fait jaser. Ils avaient probablement supposé qu'elle avait abandonné ou, plus vraisemblablement encore, été renvoyée...

Quant à Rika, elle la fixait en plissant les yeux. Sans doute se demandait-elle si son absence était liée à sa mauvaise blague... A moins qu'elle n'ait été dépitée de ne pas avoir assisté au moment où Claire avait découvert l'état de sa couchette ?

La perplexité de ses camarades monta d'un cran en voyant que l'instructeur montait sur l'estrade et commençait son cours, sans lui faire la moindre remarque. Pourtant, son absence du Centre depuis la veille avait forcément été remarquée par l'encadrement.

N'y tenant plus, Rika finit par lever la main.

— Sergent ?

— Oui, Cadette Dalmeda ?

— Je tiens à vous signaler que la Cadette Monestier n'était pas là cette nuit, ni à l'entraînement ce matin.

L'officier plissa les yeux, regardant furtivement Claire, puis Rika, qui arborait un visage de vertueuse indignation.

— Quel est le rapport avec mon cours, Cadette ?

La blonde cilla, puis rougit. Claire, qui regardait droit devant elle, n'eut pas à se forcer beaucoup pour rester impassible. Elle avait une migraine terrible – son mal de tête n'avait pas décru, malgré ses quelques heures de sommeil – mais ce qui la veille encore l'aurait atteint droit au ventre se contentait aujourd'hui à peine de l'effleurer. 

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Where stories live. Discover now