Il tapota quelques instants sur la console, puis rajouta, d'un air dégouté :

— Et quand je pense à ce lamentable épisode, ce matin, au réfectoire...

— Mais c'est elle qui... commença-t-elle, atterrée.

— Taisez-vous ! aboya-t-il de nouveau. Un tel comportement n'est pas admissible parmi les Cadets de Bhénak ! Vous vous croyez où ? Dans une taverne du District des Plaisirs ?

Pieric et ses amis avaient souvent évoqué ce District, une région de Kivilis qui, comme son nom l'indiquait, concentrait un grand nombre des lieux festifs de la planète-capitale.

— Vous...vous voulez dire qu'on va me renvoyer ? balbutia-t-elle.

Que deviendrait-elle, si elle était renvoyée du Centre de Formation ? Le Seigé voudrait-il encore d'elle ?

Et comment pourrait-elle supporter cette honte ?

— Ce n'est pas à moi de prendre cette décision, glissa le Capitaine, (d'un ton indiquant que, si ça avait été lui...) Mais le Seigé semble très déçu.

— Vous lui avez parlé ? blêmit-elle.

— Il n'ignore rien de ce qui se passe à Bhénak, vous devriez le savoir... insinua-t-il alors. Rien ! Ni les réussites, ni les défaillances... ! Et encore moins les pleurs, ajouta-t-il après coup d'un air écœuré.

Elle essaya de rester impassible, mais la tentative fut peu réussie. Le sourire de l'officier s'élargit.

— Voyez-vous, être appelé au service de Seigé Leftarm requiert une grande force. Physique et mentale. Peu de gens sont capables d'arriver au niveau qu'il exige. Beaucoup d'appelés...mais peu d'élus. Très peu d'élus.

Devant ce ton méprisant, Claire cilla. Elle ignorait ce que cet homme savait d'elle, mais ses paroles la blessèrent, plus profondément que ne l'avaient jamais fait les remarques du Seigé... ou, plus récemment, les mesquineries de Rika.

Quand l'austère Maître de Bhénak avait chargé ce cerbère de la surveiller, lui avait-il tout dit ? Savait-il que si elle échouait, elle n'avait nulle part où aller ? Ou pensait-il qu'elle n'était qu'une recrue comme les autres... mis à part cet étonnant intérêt que semblait lui porter le Seigé ?

Comme elle ne relevait pas, l'officier fit disparaître les rapports de l'holoprojecteur.

— Sur ce, vous pouvez rejoindre vos quartiers. J'espère avoir été suffisamment clair... Ah, au fait, ajouta-t-il nonchalamment alors qu'elle avait atteint la porte. Il n'y aura plus de petites promenades nocturnes sur les Remparts. Vous possédiez peut-être un Code Rouge qui vous permettait jusque-là de passer la plupart des barrages de sécurité, mais il est anormal que vous disposiez de droits que n'ont pas vos camarades. Manifestement, cela vous empêche d'avoir l'esprit totalement à vos études. Dorénavant, vous resterez au Centre, sauf autorisation spéciale. Demain, on vous programmera un Code Bleu.

— Mais Seigé Leftarm...commença-t-elle, consternée.

— ...est de mon avis, la coupa-t-il d'un ton sec. Plus d'avantages. Plus de traitements de faveur. Maintenant, rompez !

Très raide, elle salua et sortit. Alors qu'elle se dirigeait vers sa chambrée, elle sentit la colère l'envahir. Le premier choc était passé, et l'abattement avait fait place à l'indignation.

Des traitements de faveur !?! Non mais, je rêve !

Depuis qu'elle était ici, on l'avait malmenée de toutes les manières possibles. Sa vie était complètement régentée, contrôlée, planifiée. Jamais une explication, jamais un encouragement, jamais même un jour de repos ! Jamais on ne lui demandait son avis !

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Where stories live. Discover now