Chapitre 12

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Le chronomètre à son poignet la tira du sommeil, le jour suivant, bien avant l'aube. La veille, au détour d'une question posée à Inause, elle avait découvert que la mince bande de métal avait de bien plus amples fonctions que simplement indiquer l'heure. Il lui avait expliqué comment régler le bracelet multifonction pour qu'il la réveille de manière « naturelle », via une savante injonction d'ondes alpha et bêta, et il fallait bien reconnaître que cela reléguait au rang d'antiquités les brusques réveils par sonneries, musiques ou émissions de radio diverses auxquels elle était habituée.

Elle sauta hors du lit, bien décidée à ne pas tendre le flanc aux critiques, ce jour-là. Mais il fallait bien reconnaître que seule la crainte que lui inspiraient Seigé Leftarm et ses caméras était capable de la motiver pour l'épreuve de la séance de course à pied du matin... Elle enfila sa tenue, disciplina rapidement sa tignasse, et sortit dans le couloir.

A cette heure matinale, seules quelques personnes se trouvaient dans la salle commune, dont un grand Sullite indigo qui sirotait d'un air songeur une large chope, les yeux fixés sur l'écran holographique. La jeune fille salua d'un signe de tête timide les personnes présentes avant de se diriger vers les distributeurs, avec toujours cette impression – peut-être totalement dénuée de fondement – que tout le monde la fixait.

Elle commanda une boisson chaude – le jeling, une sorte de thé épicé – et un petit pâté fourré à la viande qui semblait, d'après les dires d'Elanore Matoovhu, l'une des spécialités de cette région de Kivilis. Ce n'était pas mauvais, mais ce n'était pas l'idée qu'elle se faisait d'un vrai petit déjeuner. Mais elle ferait des tests avec d'autres plats plus tard, lorsqu'elle pourrait en toute discrétion jeter ceux qu'elle n'arriverait pas à manger... Elle ignorait quels étaient les aprioris sur le gaspillage alimentaire, ici, mais comme même l'eau était rationnée, elle doutait que jeter un plat à peine goûté soit bien vu. Autant éviter de se faire remarquer plus que nécessaire !

Une fois rassasiée, elle débarrassa son plateau et le regarda disparaître dans le puit de recyclage. En sortant de la salle commune, elle tomba sur la Coordinatrice.

— Ah, Jayn Monestier ! Comment allez-vous ? Je vois que vous êtes à l'heure, c'est bien !

Comme à son habitude, Elanore Matoovhu était déjà tirée à quatre épingles. Claire acquiesça timidement, puis se rappela soudain qu'elle avait quelque chose à lui demander.

— Excusez-moi, je n'ai plus de... je n'ai plus d'habits propres. Enfin, à part ceux-là. Comment je dois faire pour en commander plus ?

La Coordinatrice eut un mouvement d'étonnement.

— Comment, déjà ? Je vous avais fourni trois tenues complètes !

— Oui, mais avec les entrainements... je dois me changer plus souvent, si je ne veux pas...

Elle s'interrompit, gênée. Déjà qu'elle n'avait pas réussi à trouver de déodorant, elle ne voulait pas risquer de sentir la transpiration face au Lieutenant Saulnier, ou pire, face à Seigé Leftarm !

Ce serait la honte totale !

Aussi était-ce pour cette raison qu'elle avait changé de vêtements si souvent ces deux derniers jours, et qu'elle se trouvait désormais à court. Elle avait bien envoyé ses autres vêtements à la laverie, via le conduit approprié dans le couloir, mais elle ne les avait toujours pas vu revenir...

— Oh, je vois, fit lentement Elanore Matoovhu. Vous savez, ce sont des tissus spécialement traités que nous utilisons pour les habits, ici. Antibactériens, antifongiques, anti-odeurs... vous pouvez porter vos habits plusieurs jours de suite sans le moindre souci !

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant