La petite larve pensive . 01

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Personne ne me comprend mieux que ma chère maman . 00





« Je voudrais apprendre à être meilleur. Je voudrais être suffisamment fort pour tendre la main à ceux qui pourraient me solliciter. J'angoisse à l'idée de ne pas rapidement remballer mes drames et mes larmes. J'angoisse à l'idée de perdre ma mère et de ne pas être suffisamment fort. J'angoisse face aux responsabilités. J'angoisse de ne pas être à la hauteur de mes attentes et de ceux des autres. 

Je voudrais prendre de la hauteur. Juste assez pour sortir la tête de l'eau quand mes poumons se remplissent de ce liquide amer. Je voudrais qu'on me voie comme une personne fiable, mais surtout, je voudrais me voir comme une personne fiable. Je voudrais traverser ma vingtaine en respirant et entamer la trentaine dans le même état d'esprit. 

J'ai peur de transmettre mes peurs, mes angoisses à mes enfants alors je dis ne pas en vouloir parce que j'ai peur d'être un mauvais père. J'ai peur du monde qui m'entoure. Je le regarde et il ne m'aspire plus confiance. Je me demande en permanence si j'y suis encore en sécurité quand j'entends certains balancer leur haine sans retenue. Est-ce que j'ai vraiment envie d'apprendre à mes gosses de composer leurs vies avec la haine des autres ? 

Je voudrais tellement ne plus voir le monde que de mon point de vue. Je me sens coupable de me sentir mal, presque égoïste d'admettre que je ne vais pas toujours bien. Comment soigner ce que l'on ne veut pas confesser ? Est-ce que je suis une bonne personne ? Pourquoi ça fait plus d'une décennie que j'ai l'impression de faire une crise d'adolescence ? Pourquoi mes questions sont anxiogènes pour moi et pour les autres ? Pourquoi je ne parle pas ? Pourquoi je ne pleure pas ? Suis-je normal ? Pourquoi je blesse les hommes qui entrent dans ma vie et essayent de m'aimer ? Est-ce que j'ai déjà aimé ou j'aime l'illusion de l'amour ? Suis-je si égoïste pour les garder dans ma vie alors que je ne les aime pas ? 

Est-ce que je suis toxique pour eux ? 

Pourquoi je chiale dans ma chambre chaque fois que je réalise que j'ai pas pris la route que j'espérais après le lycée ? Suis-je devenu aussi pathétique que les adultes de mon adolescence ? Jusqu'où je suis médiocre ? Est-ce que je peux tomber encore plus bas ? Pourquoi ma génération me parait si malheureuse et emprisonnée ? Suis-je le produit de leurs erreurs ? Jusqu'où va ma culpabilité dans ma déchéance ? Est-ce que j'ai encore des rêves ? Pourquoi on ne rêve plus ? Ça veut vraiment dire quelque chose encore, être « célèbre » ? 

À tout moment, je lâche ma vie, mon boulot et je me lance dans des études de médecine comme le voulait mon père. 

Pourquoi j'ai encore peur de le décevoir quand je prétends que son avis m'importe peu ? Est-ce qu'un jour mon père et moi, on finira par de nouveau se comprendre comme quand j'étais gosse ? Est-ce que je vais le regretter quand mon père mourra ? Est-ce qu'il déteste l'homme que je suis devenu ? Pourquoi son avis compte autant pour moi ? Est-ce que ma mère sera toujours de mon côté ou est-ce qu'elle va finir par se ranger de son côté ? 

J'ai l'impression de la décevoir depuis vingt-quatre ans, pourtant, elle me regarde toujours avec amour. Je crois qu'ils auraient dû faire d'autres gosses, pour avoir la chance d'être fier d'un enfant au moins. Pourquoi je ne me satisfais jamais de ce que j'ai ? Pourquoi je vis en permanence en regrettant ce que je n'ai pas ?

Et est-ce que je m'aime vraiment ?

À cette dernière question, je crois que je connais la réponse. C'est peut-être la seule question à laquelle je peux répondre. Je ne m'aime pas. Je ne suis jamais tendre envers moi-même et j'excuse tout à tout le monde. Je me déteste d'avoir cette vision auto-centrée et je n'aime pas la personne que je suis devenue. J'ai l'impression d'avoir loupé le coche et d'être devenu tout ce que je m'étais juré de ne jamais être. J'ai l'impression de m'être trahi et c'est terrible de ne pas pouvoir se faire confiance à soi-même. 

J'ai passé ma vie à me répéter que tout passait, les joies comme les peines, mais aujourd'hui, j'ai l'impression de ne pas toujours avoir compris ce que je racontais en disant cela. J'ai l'impression de m'en être servi chaque fois que j'ai manqué de courage dans mon existence.

Parce qu'en fin de compte, rien ne bouge, tout demeure, mais nous passons. »



*






En relisant certaines de mes histoires, c'est vrai que quasiment toutes ont la même conclusion. L'idée selon laquelle tout passe, de nos peines à nos joies. Maintenant, je crois plutôt que c'est une histoire de perspectives parce que finalement, les choses ne changent pas tant que ça, mais nous oui.

Prenez soin de vous !

Une libellule sur un roseau.Where stories live. Discover now