Pour l'amour d'Ali

Chapitre 12

Claire a enfin pris une décision, elle va partir en France pour rencontrer celle qu'Ali a aimée, Marie. Elle pourra aussi de cette façon rencontrer les deux autres enfants de cette dernière, Nicolas et Emeline. Claire sait aussi qu'elle veut se faire pardonner mais elle n'aura pas le courage de lui avouer qu'elle croit avoir tué sa fille ainée.

La première chose que Claire a fait une fois sa décision prise, ça été de dire à Sélim qu'elle allait partir, il voulait l'accompagner mais elle veut y aller seule et elle a ajouté qu'elle en profiterait pour voir ses parents, qu'il faut qu'il reste pour s'occuper d'Ambroisine et il n'a pas osé insister.

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« Que c'est beau l'Angleterre », pense Selma.

Malgré les brumes, malgré la pluie, Selma aime ce pays. C'est surtout qu'elle est plus libre que chez elle. Elle sait bien qu'à Istanbul, il y a ce merveilleux soleil, ce merveilleux jardin, il y a aussi Ambroisine, Claire, Sélim mais ici il y a la liberté. Selma habite Londres dans un pensionnat pour jeunes filles mais les règles n'y sont pas assez strictes pour qu'elle s'y sente prisonnière. Ici, elle se sent libre comme l'air parce qu'elle n'épousera pas ce prince Irakien et parce qu'elle a toute la vie devant elle, elle a envie de vivre comme toutes les filles de son âge, envie d'aventure et de grand amour. Elle a écrit à Omar pour lui dire qu'elle est heureuse, qu'elle se plait ici et elle est persuadée qu'il sera content de l'apprendre, elle a aussi écrit à Ambroisine pour lui décrire sa nouvelle vie, elle lui a parlé du pensionnat, de la directrice, de ses nouvelles amies, deux anglaises de son age, Cathy blonde aux yeux bleus, timide et réservée qui lui fait penser à Ambroisine et Alison, explosive brune aux cheveux courts qui est tout le contraire de la précédente, elle lui a aussi parlé de son collège, de ses professeurs, de Londres et du musée de Madame Thussaud qu'elle vient de visiter.

Parfois, elle pense à Ambroisine et elle se dit que la vie de cette dernière est bien triste, qu'elle n'a pas quitté Istanbul et le palais depuis six ans et que peut-être elle ne les quittera jamais même si elle fait de beaux voyages avec Omar. Elle sait qu'elle-même ne pourrait pas rester à la même place toute sa vie, elle sait ce qu'elle veut être plus tard, c'est Alison qui lui en a donné l'idée, ce n'est pas une profession qui la tente, elle, Selma veut être juste une femme libre.

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Dans la tête de Nicolas, des tonnes d'images s'embrouillent. Il en a assez de cette psychologue qui lui pose sans cesse des questions, il se demande pourquoi ces dernières sont si idiotes, n'a-t-elle pas encore compris qu'il ne s'appelle pas Nicolas, non voyons, il n'a pas encore de prénom, il est une petite fille sans prénom, c'est comme cela qu'il est et c'est tout, il n'y a pas de question à poser. Ce qu'il se demande aussi c'est pourquoi elle lui dit qu'il est un petit garçon alors qu'il ne veut pas qu'il en soit ainsi. Lui, il veut être une petite fille, il n'a pas encore de prénom mais sa maman lui en donnera un quand elle aura compris qu'il est une petite fille. Sa maman, il ne la voit pas souvent, il sait bien que ses parents sont divorcés, on lui a expliqué ce que cela veut dire et que c'était pour son bien et c'est vrai que depuis son papa est beaucoup plus gentil, il a toujours été plus gentil que sa maman, ensemble ils jouent mais le problème c'est que son papa aussi veut qu'il soit un garçon, c'est une idée fixe, combien de fois faudra-t-il qu'il répète qu'il veut être une petite fille comme Emeline, Ambroisine et la seconde Emeline, sa petite sœur qui est si gentille avec lui. Jamais il ne voudra redevenir un petit garçon parce que si il veut que sa mère l'aime, il faut qu'il soit une petite fille, c'est logique, c'est très logique même si les adultes font semblant de ne pas comprendre, même si cette psychologue lui soutient qu'il est un petit garçon et que de toutes façons il n'y pourra rien parce que c'est comme ça, il est né garçon et on ne peut pas devenir une fille quand on est né garçon. Ce qu'il veut faire, c'est se trouver un prénom, un prénom de fille, quelque chose qui lui plairait, quelque chose qui lui conviendrait, il va finir par en trouver un mais ça ne sera ni Emeline, ni Ambroisine car ce sont deux prénoms qu'il déteste, pas à cause de sa petite sœur, non à cause de l'autre Emeline, la grande sur la photo, celle qui trône sur la cheminée. Heureusement qu'il va rarement chez sa mère, il en avait assez de ces deux photos. Pourtant dans sa mémoire, il y a Ambroisine, Ambroisine qui l'embrassait, Ambroisine qui jouait avec lui mais depuis qu'elle n'est plus là, il la déteste, il la déteste d'être parti, il ne sait même pas où, personne ne lui a jamais expliqué pourquoi elle était partie. La seule chose qu'il sait c'est qu'il veut être lui-même et à la fois une fille, au fond de lui, il aimerait n'être que Nicolas, un petit garçon comme les autres, un petit garçon de six ans et demi allant à l'école, ayant des parents les plus gentils possibles et même trois sœurs mais malheureusement personne ne veut vraiment qu'il soit Nicolas même cette femme qui l'affirme n'a pas compris que sa mère dont il veut l'amour ne lui en donnera que si il est une fille, elle le lui dit encore souvent, « quel dommage que tu ne sois pas Emeline ou Ambroisine, quel dommage ! ». Alors lui, le tout petit Nicolas, voyant la tristesse de sa mère, décide de devenir une petite fille, il décide d'être lui sans vraiment être lui, il sera un peu les deux, un peu Nicolas et beaucoup plus cette petite fille dont il va activement chercher le prénom.

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Emeline est une vraie petite peste, elle n'arrête pas de taper tout le monde, c'est devenue une habitude depuis quelques temps. Quant à ses rapports avec Marie ce n'est pas mieux. Emeline n'arrête pas de la frapper, de désobéir, elle en a assez, assez d'être une petite fille surprotégée qui n'a rien droit de faire, si elle essaie de monter sur une chaise pour s'assoir, à quatre ans et demi c'est tout de même normal, Marie la gronde et lui dit de descendre parce qu'elle va tomber ou se faire mal. Emeline sait bien qu'elle ne va pas se faire mal, elle ne voit pas pourquoi elle se ferait mal, chez son père elle monte sur les chaises, il ne l'en empêche pas et en plus elle n'est jamais tombée. Après les remontrances, c'est toujours pareil, Marie lui raconte que ses sœurs ainées ont désobéi, enfin pas vraiment, elles ne sont pas rentrées assez vite de l'école, elles ont trainé sur le chemin et c'est pour cela qu'il leur arrivé malheur, c'est pour cela qu'elles ne sont plus là. Seulement ce que se demande Emeline c'est ce qu'il est arrivé vraiment à son homonyme et à Ambroisine. Sa maman parfois lui raconte des histoires étranges avec des mots qu'elle ne comprend pas, elle lui a dit qu'Emeline a été violé et qu'Ambroisine a disparu et qu'on ne sait pas pourquoi mais finalement Emeline s'en moque, elle n'est pas la première Emeline, elle n'est pas Ambroisine. Elle est elle-même et c'est tout, elle ne veut ressembler à aucune de ses deux sœurs, elle veut être la petite fille intrépide qu'elle est et que sa maman cesse d'avoir peur pour elle. Emeline aimerait tant que tout s'arrête un jour pour être enfin une fillette comme les autres qui peut aller jouer dans la rue avec ses camarades sans avoir une mère poule sur le dos. Emeline voudrait être une petite fille normale, normale....