Pour l'amour d'Ali - Livre I - 1ère partie - Chapitre 2

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Cela fait maintenant une semaine qu’Ambroisine a disparu, Marie en a perdu l’appétit et le sommeil, peu à peu elle perd le gout de vivre. Ces longues journées seule avec Nicolas lui semblent interminables, quand la pendule a sonné seize heures aujourd’hui, elle a pensé, Ambroisine va bientôt rentrer mais elle sait bien qu’elle ne rentrera pas. La police la recherche toujours mais sans beaucoup d’espoir, ils disent que plusieurs solutions sont envisageables : un réseau de prostitution, un meurtre,  un viol ou peut-être un enlèvement par un couple sans enfant mais tout ça ne peut pas rassurer Marie, elle veut savoir ce qu’est devenue sa fille, quitte à découvrir qu’elle est morte. Alors elle pleure, elle pense à Ambroisine et aussi à Emeline, ce soir elle aimerait voir Ambroisine rentrer de l’école et Emeline avec elle, cette dernière aurait eu seize ans cette année. Pierre dit qu’il ne faut pas ressasser ce genre d’idée, il veut qu’ils aient un autre enfant, une autre petite fille, pour combler le vide laissé par Ambroisine.

Nicolas aussi s’est ressenti de la disparition de sa sœur, il l’a cherché longtemps mais il s’y habitue, quand on a un an tout est plus facile.

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« Oh que c’est beau ! »

L’exclamation a jailli des lèvres d’Ambroisine devant le merveilleux spectacle qu’offre le jardin du petit palais de la sultane Claire. Partout des fleurs, des arbres fruitiers. Les allées bien dessinées en lignes droites se rejoignent à angles droits et sont d’une blancheur de neige car constituées de petits cailloux blancs. Il y a aussi des fontaines d’où coulent une eau limpide et des bancs où des femmes bavardent, ces femmes qu’elle a vu l’autre jour dans la cour mais ce jardin n’est pas seulement un enchantement pour les yeux, s’en est un aussi pour le nez car il y a un délicat parfum qui vous monte aux narines d’odeurs de fleurs, de fruits, d’air et de soleil mêlés.

« Tu sais, c’est mon arrière-grand-mère, la sultane Wou Tchi qui a fait tracer ce jardin et ma mère et ma grand-mère l’ont fait entretenir, aucun homme n’y met le pied même pas le sultan, que ce soit mon père ou mon frère. »

« Mais alors, pourquoi Sélim est-il ici ? »

« Sélim » réplique Selma en pouffant de rire, « mais ce n’est pas un homme, c’est un eunuque. »

« Qu’est-ce que c’est un eunuque ? » questionne Ambroisine.

« Un eunuque » commence Selma, « c’est un homme auquel il manque quelque chose, c’est un homme qui ne peut pas avoir d’enfant. »

« Ah et pourquoi ? »

« Eh bien ! Parce qu’il lui manque quelque chose ! »

Ambroisine n’a pas très bien compris l’explication de Selma mais se contentant de cette réponse, elle se tourne vers les femmes et elle constate que pour la plupart elles sont très brunes et elles parlent rapidement sans qu’Ambroisine comprenne ce qu’elles disent.

« Mais qui sont-elles ? »

« Ce sont pour la plupart des servantes de ma mère mais quelques-unes sont des femmes de harem. »

« Qu’est-ce que c’est un harem ? »

« Mais tu ne connais donc rien à rien » réplique Selma, « va donc demander à Sélim et quand tu auras fini de poser des questions, viens donc me rejoindre dans le petit pavillon au fond là-bas, tu vois ? »

« Oui » murmure Ambroisine qui se séparant de sa compagne se dirige vers le banc où Sélim est assis, elle s’assoit à côté de l’eunuque.

« Sélim, est-ce que je peux te poser une question ? »

« Oui, Firouzé, pose ta question. »

« Sélim, qu’est-ce que c’est un harem ? »

« Un harem… autrefois les princes et les bourgeois de notre pays avaient de nombreuses femmes et ces femmes étaient enfermées dans un harem. »

« Elles ne sortaient jamais ? »

« Si mais pour sortir, elles devaient se voiler le visage. »

« Ici, c’est un harem ? »

« Non, ici il n’y a que des femmes mais ce ne sont pas celles d’Omar ni de son père Ali qui n’avait qu’une seule femme, notre sultane Claire, ce ne sont que des servantes attachées à Claire ou même certaines l’ont été à Diane et comme ancienne femme de harem, il y a seulement la vieille Salomé et sa fille, regarde tu vois la vieille femme là-bas, c’est Salomé, huitième femme du sultan Ahmed, arrière-grand-père de notre sultan Omar dont la première femme était Wou Tchi et la femme à côté d’elle, c’est sa fille Yasmin qui n’a jamais voulu quitter le palais pour se marier. »

« C’était qui Diane et Wou Tchi ? »

« Tu sais ici, ce n’est pas une famille princière, c’est juste une grande famille bourgeoise et la tradition veut que les mères cherchent une épouse pour leur fils, les deux critères étant la beauté et l’intelligence, c’est ainsi que Claire a été choisi par Diane, la mère d’Ali et Diane par Wou Tchi, Wou Tchi par Greta et ainsi de suite, si cela t’intéresse je peux d’ailleurs te raconter l’histoire des trois sultanes qui ont précédé Claire. »

« Oui j’aimerais bien que tu me racontes leurs histoires. »

« Greta Willenberg était allemande, elle était née à Berlin en 1871, son père était représentant de commerce, la sultane Leila l’a fait enlever alors qu’elle avait dix ans pour épouser le sultan Mohammed, Wou Tchi était chinoise, on ne sait pas exactement qui était ses parents car c’est à la suite d’un incendie dans Istanbul que Greta l’a recueillie et a décidé qu’elle épouserait son fils. Diane Keaton était anglaise, née en 1928, elle était la fille d’un ambassadeur et fut enlevée alors qu’elle avait huit ans, elle était la grand-mère d’Omar. »

« L’histoire de Claire, tu ne me la racontes pas ? »

« Elle te parlera de sa vie si elle le veut. »

« Sélim, et toi, d’où vient-tu ? »

« Moi, il n’y a pas grand-chose à raconter, je suis né un an avant notre sultane, mes parents étaient très pauvres alors ils m’ont vendu et je suis arrivé ici où mon prédécesseur m’a enseigné mon métier qui est de garder les femmes et de veiller particulièrement sur Selma et sur Claire. »

« Pourquoi n’es-tu pas marié ? Tous les adultes que je connais sont mariés. »

Un voile de tristesse passe devant les yeux de Sélim mais Ambroisine est bien trop jeune pour s’en apercevoir.

« Ambroisine, tu viens jouer ! » s’écrie Selma en apparaissant visiblement énervée.

« J’arrive. »

« Allez va jouer avec Selma, ce sera mieux que de m’écouter raconter toutes ces histoires ennuyantes » murmure Sélim en la poussant à rejoindre sa camarade de jeux.

Elle court et Sélim la regarde s’éloigner, il la trouve gentille et attachante la petite Ambroisine, plus posée que Selma qui est toujours vive et même un peu brouillonne, il se dit qu’il l’aime déjà comme il aime Selma, un peu comme si elles étaient les enfants qu’il n’aura jamais, ces enfants qu’il aurait tant aimé avoir.

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