Chapitre 28

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Après les cours, je me fais aborder par une Morgane très agitée, les cheveux tout de travers.

— Ma course a lieu dans deux heures. Tu viendras bien, hein ? Hein ?

Elle m'attrape par les épaules et me secoue comme un cocotier. La perspective de l'événement la met déjà dans tous ses états et cela ne va faire qu'empirer.

Je me fais rassurant et la repousse en douceur.

— Mais oui !

Je n'aurais pas pu l'oublier, car mon portable me l'a aussi rappelé.

La course se déroule sur la piste du lycée, un grand espace pourvu de gradins métalliques. C'est sur cette même piste que j'avais dû courir en rond sur le sol, lors de mon premier cours de sport (et me vautrer dans la boue par la même occasion). Elle est encore vide, mais des personnes sont déjà installées. Il y a plus de spectateurs que je ne l'aurais cru (des fées et des loups-garous, surtout, mais il y a aussi quelques tritons et même un ou deux vampires).

Je monte les marches en soupirant par avance. Il a plu quelques heures plus tôt et les gradins sont trempés. Je gâche tout un paquet de mouchoirs pour éviter de me tremper le derrière.

Jérémie, qui a insisté pour m'accompagner, grignote à côté de moi des pop-corns. Leur odeur sucrée m'écœure.

— La course de vol ne commencera pas tout de suite, commente-t-il, un œil sur le programme qu'il a téléchargé sur son portable. Il y a d'abord une séance de combat de loups-garous.

— OK, je réponds avec ennui.

Je n'ai jamais aimé assister aux événements sportifs. Il y a beaucoup de temps morts pour quelques minutes de spectacle. Pour autant qu'on puisse qualifier de spectacle le fait de voir des individus s'agiter et transpirer. Mais je ne peux pas manquer cette course si je ne veux pas que ma propre jumelle me déteste pour le restant de mes jours.

Des loups-garous sous leur forme animale se répandent sur la piste. Je n'y aurais pas accordé plus d'attention que cela si je n'avais pas aperçu un grand loup blanc parmi eux. Je me redresse aussitôt, malgré moi. C'est Auguste. Je le reconnais sans problème.

L'entraîneur se poste au milieu de la piste et beugle des instructions que je suis trop loin pour comprendre. J'ai l'impression qu'il forme des couples de combattants.

Quand j'ai vu Auguste en loup, l'autre week-end, il ressemblait à un gentil chien un peu fou fou. Le genre de créature à qui un non-allergique aurait envie de lancer des balles. Aujourd'hui, il a le poil hérissé, les dents sorties et une lueur sauvage brille dans ses yeux. Il fait juste... et bien, il fait peur, quoi. Son adversaire - une bestiole à la fourrure brune un peu plus petite - n'est pas plus rassurante. C'est sans doute normal, quand on songe qu'ils s'apprêtent à passer mutuellement à l'attaque.

Je me mordille nerveusement le bout des doigts, effaré par toute cette violence à venir. Les fées ne sont pas des bagarreuses. Pas physiquement, du moins (verbalement, c'est autre chose...). Elles ne se font jamais rien de plus que de tirer les cheveux de temps en temps, ou ce genre de choses. Ou à la limite de se distribuer des gifles, quand elles sont vraiment très fâchées. Un jour, quand j'avais cinq ans, j'ai donné un coup-de-poing à l'une de mes cousines qui m'avait traité d'aberration de la nature. Ça a fait toute une histoire. Pas parce que ladite cousine avait été blessée (à l'époque, déjà, j'étais une mauviette sans muscle). Non, juste parce que l'on me soupçonnait de vouloir introduire la violence parmi les fées, en ma qualité de seul garçon jamais né. N'importe quoi ! Grand-mère m'avait tellement cassé les pieds au sujet de cet événement que je n'ai jamais recommencé jusqu'à il y a peu. Maintenant, quand quelqu'un me cherche, je l'ignore, tout simplement. Maman trouve que c'est une attitude pleine de maturité (et Morgane que je fais preuve de lâcheté, mais je préfère croire Maman qui est plus sage de par son âge).

Le lycée des Surnaturels (bxb)Where stories live. Discover now