Chapitre 8-Poison- [Réécrit]

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―Alors, Monseigneur, de quoi avez-vous besoin ?

―Je veux une racine de mandragore,deux pétales de pensées, 2 millilitres de liqueur de Taxus Baccata et trois feuilles séchées de fusain.

L'apothicaire, dès qu'il avait entendu le début de la phrase, s'était empressé de se rendre dans son arrière-boutique, pour rassembler au fur et à mesure les condiments que son bon prince lui dicterait. Néanmoins, il s'arrêta net dans son élan, dès que les termes « taxus baccata » franchirent ses lèvres. Il faillit continuer comme si de rien n'était, après tout, cela ne le regardait aucunement, mais il ne put empêcher sa curiosité naturelle de prendre le pas sur son professionnalisme.

―Mais, Monsieur, ce sont les ingrédients pour fabriquer une fiole d'élixir de Wigenwelt,s'étonna le vieil homme tout en se remettant à chercher les ingrédients d'un air détaché.

Ulrich avait pourtant astucieusement tenté de noyer le poison parmi d'autre ingrédients inoffensifs.

―Et alors ? demanda Ulrich en déposant deux pièces d'or sur le comptoir de bois massif.

―C'est l'un des poisons les plus puissants du monde, murmura l'apothicaire comme s'il craignait d'être entendu.

Ce qui l'inquiétait, c'était surtout de savoir contre qui celui-ci serait utilisé. Si c'était contre un chien en fin de vie, cela allait, contre un serviteur gênant,c'était critiquable, mais contre le roi... L'apothicaire préférait ne pas songer à la possibilité d'un régicide dont il serait en partie responsable, lui qui vouait une véritable admiration à la famille royale.

A cet instant, un homme entra avec un capuchon sur la tête qui ne permettait que d'entrevoir un visage fin et, il devait l'admettre, plutôt séduisant.

L'apothicaire adopta un visage renfrogné. Combien allaient encore entrer de cette façon, et à cette heure ? Il n'ouvrait que dans deux heures et ses yeux étaient encore embués par le sommeil. Jamais il n'avait vu ça de toute sa vie ! Celui-là avait plutôt intérêt à être le chef de l'Eglise !

―Excusez-moi monsieur mais nous sommes encore fermés.

―Pardonnez-moi, s'excusa alors l'homme, non sans un accent étranger qu'Ulrich ne parvenait pas à situer.

L'étranger lui jeta alors un regard avant de repartir. Il aurait même juré avoir vu un sourire se dessiner dans l'ombre de son capuchon. Ulrich resta quelques secondes debout, sans rien dire, intrigué par ce mystérieux inconnu, un inconnu qui semblait pourtant bien l'avoir reconnu. La question n'était pas tellement comment, ses riches habits, sa beauté célébrée, certaines pièces de monnaie à son effigie -celles qui avaient le moins de valeur, bien entendu-, des fanions sur lesquels son visage était tressé le jour de la fête de la royauté, la question était plutôt pourquoi. Pourquoi être venu le voir ?Cela ne pouvait être une coïncidence. Personne ne venait voir l'apothicaire de si bonne heure, sauf en cas d'extrême urgence, ce qui n'était visiblement pas le cas.

Ulrich revint à lui, soupira et sortit une nouvelle pièce de sa poche avant de la glisser dans celle du peignoir du vieil homme avec un regard appuyé qui se voulait certainement menaçant.

―Pour votre silence.

―Oh, mon seigneur est trop bon, dit l'apothicaire en rouvrant la porte de sa boutique.

―Eh bien dans ce cas, dit Ulrich,tout en franchissant le seuil du commerce et en reprenant la pièce d'or qu'il venait de donner au petit homme.Quel idiot ! pensa-t-il, les commerçants du village l'insupportaient avec leurs phrases toutes faites.

Cet imbécile ne communiquerait pas son secret, il en était certain, il avait bien trop d'admiration pour son prince. Il avait même remarqué une croix dont le visage de son père, sculpté dans le bois le regardait depuis la rambarde de l'escalier. Il tournait l'angle de la rue pour retourner vers le château en blâmant les pauvres villageois lorsqu'une voix l'interpella.

―Mon ssseigneurrr !

Un homme sortit de l'ombre, sa longue cape flottant derrière lui. Ulrich avait reconnu l'homme de la boutique grâce à son accent. Maintenant qu'il voyait son visage, il était évident que cet homme ne venait pas de Wayton.
Son long visage était encadré par des cheveux d'un noir de jais, enharmonie avec ses grands yeux noirs, si profonds qu'ils donnaient l'impression de se plonger a l'intérieur, chutant sans fin. Il avait le teint mat, ce qui expliquait sa cape, il ne voulait en effet passe faire remarquer.
Ulrich resta un moment pensif contemplant le visage qui se présentait devant lui et qu'il ne pouvait s'empêcher de trouver attirant. Cette pensée lui donna un haut-le-cœur et il se ressaisit. Tout ce qui ne venait pas de chez lui lui donnait envie, voilà tout, c'était aussi simple que ça.

―Qui êtes vous ? demanda-t-il alors en compensant ses dernières pensées trop douces par une voix agressive.

―Quelqu'un qui peut vous aider. J'ai à vous parler, continua l'étranger.

L'aider ? L'aider dans quelle tâche ? Comment pourrait-il être au courant ? Personne ne le pouvait, personne ne le devait. C'était imprudent, mais Ulrich avait réellement besoin des réponses à ses questions.

―Je vous écoute.

―Pourrions-nous parler autre part ?

Avant que ce dernier ait pu répondre,l'homme partit et lança par dessus son épaule :

―Suivez-moi, mon prince.

Il hésita, ce n'était pas raisonnable de suivre un inconnu, même si celui ci lui inspirait un sentiment nouveau. Ce pouvait aussi être un médecin, songea-t-il, qui pourrait enfin l'aider à combattre le mal qui le rongeait depuis tant d'années.Ou un assassin envoyé par une autre nation pour mettre un terme à la descendance royale, ce qu'il aurait tout loisir de faire dans l'endroit où il l'emmenait, sans que personne ne retrouve jamais son corps et puisse le venger, en supposant que quelqu'un l'aime assez pour le vouloir. Après quelques secondes d'hésitation, sa curiosité eut raison de lui. Ulrich avait toujours aimé vivre dans la dangerosité dans son château. Il se demandait ce que cet inconnu pouvait bien lui vouloir. L'homme tournait déjà à l'angle de la rue. Ulrich le rattrapa au moment où il s'arrêtait devant une auberge. Il n'avait jamais remarqué ce bâtiment qui, d'extérieur avait une apparence miteuse. Des fissures recouvraient chacun des murs, si bien qu'il se demandait si ceux-ci n'allaient pas s'écrouler sur sa tête. Il était hors de question qu'il mette un pied là-dedans.
L'étranger frappa cinq coups irréguliers à la porte et attendit.
Un homme vint ouvrir et ils échangèrent quelques mots dans un langage incompréhensible. Il se retira et les laissa entrer, ce qu'Ulrich fit sans protester étant donné la corpulence du gardien. Ils s'enfoncèrent alors dans un labyrinthe de couloirs faiblement éclairés par de minuscules chandeliers qui débouchait sur ce qui semblait être un salon. Contrairement au bâtiment, cette grande pièce était étonnement luxueuse tapissée de part et d'autre par d'épais tapis muraux de velours rouge et meublée par un mobilier exclusivement rouge, notamment une immense causeuse, qui occupait la majorité de l'espace.
Un homme imposant était assis en son milieu.
Un sourire inquiétant s'étala sur son visage lorsqu'il aperçut Ulrich.
Ce dernier n'avait jamais vu de serpent, mais cet homme, il en était sur, avait la même lueur démoniaque au fond des yeux.

Aure Pourpre [Terminé]Where stories live. Discover now