Chapitre 1-Discussion- [Réécrit]

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―Méfiez-vous tout de même Madame,comme le disait ma tante, il n'est pire eau que celle qui dort.

―Je dois y aller, conclut Aure, mais même si j'appréhende cette entrevue, j'ai confiance en mon père.

Lorsqu'elle sortit, les paroles d'Ariane se répétaient en écho : "Vous savez qu'un jour prochain votre père vous mariera". Aure le savait. Elle en avait déjà discuté avec Louise mais il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. Lorsque l'heure sera venue, elle devra épouser un duc ou un comte et pourra continuer à voir sa bien aimée, tout en régnant sur son royaume.

Alors qu'elle parcourait les couloirs du château pour se rendre au bureau de son père, Aure croisa une vingtaine de domestiques astiquant le moindre millimètre carré de la demeure. Cela pourrait sembler habituel dans un château, mais le roi avait horreur de croiser le chemin de domestiques s'alarmant à la seule vue de leur souverain. Le nettoyage était donc effectué de nuit et le plus silencieusement possible. Quelque chose se préparait et la princesse commençait à prendre peur.

Aure rejoignit la salle à manger silencieusement. Il était l'heure du déjeuner et toute la famille se trouverait là pour partager le repas. Après tout, si son père la convoquait à cette heure-là, devant son père et même devant les serviteurs, cela ne pouvait être d'une grande importance.

Malgré ces pensées, son cœur battait la chamade et menaçait dangereusement de s'enfuir de sa poitrine.

Elle s'arrêta sur le seuil de la grande salle. Quelque chose n'allait pas. Le lustre de cristal n'avait pas bougé; la tête d'élan, qui dominait la tablée, où les assiettes étaient déjà dressées, était toujours là,identique à celle qu'elle était le jour où son père l'avait faite empailler, après la chasse. Mais la moitié des fanions de cette salle, qui arboraient fièrement l'emblème de la famille de Wayton,avaient en partie été retirés, posés distraitement sur le sol en dessous de leurs emplacements respectifs. Des fabricants de tissus,venus spécialement d'Anburg à en juger par leur prononciation étrange des « o » et des « h », qui semblaient comme aspirés, donnaient des ordres à un serviteur pour placer des armoiries qu'Aure ne connaissait pas. Ou plus exactement,elle les avait déjà aperçus mais ne parvenait pas à se rappeler où. L'un de ces fanions, le plus grand de tous se trouvait à l'autre bout de la table et avait été voulu dans des proportions si démesurées qu'il parvenait même à dissimuler un bout de la tapisserie qui couvrait la moitié du mur. Elle était à l'effigie d'Aure, ses longs cheveux blonds se confondant au niveau des racines avec une couronne de sainte.

―Si j'étais toi, je ferais attention, si ça continue, ton portrait va disparaître du cadre familial.

Ces paroles auraient pu paraître menaçantes, si seulement elles n'avaient pas été accompagnées de postillons des toustées qu'il ingurgitait. Ulrich avait toujours eu un bon appétit.

Un sourire prit place sur ses lèvres tandis qu'il continua d'un air enjoué :

―Si tu cherches Père, il est occupé à quelques préparatifs. Essaye donc le cabinet.

Aure s'arrêta devant lui et l'observa des pieds à la tête. Son surcot était troué au niveau des coudes et des grandes cernes prenaient place sous ses yeux. Il avait pris soin de déplacer sa chaise près de la fenêtre, certainement pour se donner une distraction pendant son conséquent repas.

La jeune femme décida de s'approcher,une critique acerbe à la bouche à propos de ses défroques, qui n'étaient pas même dignes d'un paysan. Elle se ravisa cependant en découvrant la source de toute son attention. Des courtisanes jouaient dans la cour du château, légèrement plus âgées que lui,mais de peu.

―Rien n'est perdu, tu sais. Si j'en crois les préparatifs, nous recevrons bientôt une visite royale et tu sais comme moi ce que ça signifie : un bal. Il est encore temps de sortir de cet affublement, continua-t-elle, tout en désignant sa côte trouée. Demande à Ariane de te préparer un bain.

Aure Pourpre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant