Ma meilleure bêtise.

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J'ignore cette flamme. J'éteins les braises, marche sur les cendres incandescentes et balaye, d'un tournoiement du bras, la fumée. Seulement, plus tard, le feu s'anime, le bois s'enflamme et l'incendie me consume, me consume entière, comme un minuscule fagot. Je pense à toi. Ton souvenir me consume, me consume entière, comme un minuscule fagot.  J'aimerais avoir à te dire quelque chose, à avoir à causer avec toi, à étendre des phrases maladroites ou des polissonneries distinguées. Je me fous de quoi nous parlions. Je veux revivre ces moments, ces gracieux moments, que nous composions ensemble comme une mélodie de grand maitre, que nous dansions ensemble comme un ballet harmonieux. La musique s'est arrêtée et les danseurs se sont assis : le silence me tue !

J'ai pris une habitude inquiétante, une habitude qui devrait m'alerter sur moi-même. Je me parle à moi-même. Dans ma tête, s'entend une étrange conversation. Je parle des pensées, des élucubrations, des obsessions qui traversent, comme cheval sauvage lancé au gallot, comme une étoile filante fendant l'atmosphère, mes esprits. Mes pensées m'obsèdent : elles sont fières, grandes et prennent la place de mon cerveau dans ma tête. Voilà qui est étrange, ne trouves-tu pas ? Je ne sais plus comment voir, quoi vouloir : je voudrais que le temps s'accélère puis, que le tour de la Terre ralentisse ; je voudrais que l'air gèle, me gèle les doigts et le cerveau puis, que la saison se réchauffe, m'échauffe le sang et m'excite les muscles ; je voudrais que mon cœur se fixe, immobile et immuable, dans ma poitrine puis, que mes nerfs tremblent, se froissent et se frottent comme les cordes d'une guitare stimulées par des doigts virtuoses. Je veux être avec toi puis, je ne suis plus sûre d'en avoir envie.

Notre histoire me laisse au goût amer, un goût de souffre, de cendres et de poussières, un goût de mort, dans la bouche. J'avoue que dans un monde parallèle, j'aurai aimé être avec toi pour toujours, mais dans ce monde, je sais que je continuerai de t'aimer en m'efforçant d'avoir une vie passionnante, une vie qui me correspond, seule, de mon côté. Je continue de t'aimer : je t'aime, écrivais-je bêtement, en tapant des lettres au hasard sur mon clavier. Aujourd'hui, je sais que j'ai été avec toi pour réparer des choses en moi-même. Tu savais apaiser des choses en moi-même d'une manière troublante, d'une manière qui aurait dû m'alerter. J'en suis venue à être dépendante. Je sais que nous nous sommes brisé le cœur. Ce fut une terrible rupture, mais je devais me séparer, me séparer définitivement de ce lien malsain qui ne me permettait plus d'être moi-même, qui m'étranglait, me ballonnait moi-même. Je continue de t'aimer mais, je préfère oublier. Je préfère oublier, ne pas penser qu'un jour, peut-être toi et moi, dans un endroit serein, à un moment impromptu, une nuit de pleine de lune, à l'aube d'un jour ou au cours d'un crépuscule, dans un alignement parfait des étoiles, nous serons ensemble et heureux. Je veux faire mon bonheur seule. Parce que je suis certaine d'être toujours là pour moi, mais je ne sais pas si d'autres le seront pour moi. Il me semble désormais que le premier devoir que je dois est à moi-même. Je me dois de vivre une vie qui me corresponde et dans laquelle je puisse explorer en profondeur mon être. Une vie ratée ! une vie manquée ! est une vie qui n'a pas été la nôtre ! Une vie dans laquelle nous jouions un personnage, nous portons un masque, nous mentons, nous feignons. Tu m'as appris cette morale. Tu as certainement été ma meilleure bêtise. La bêtise qui m'a appris, élevé et rendu savante et forte. Ce que la bêtise est bonne quand elle vient par hasard ! Tu es ma meilleure bêtise et tu es venu par hasard. Ma meilleure bêtise.

Cœur briséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant