Mes premières douleurs.

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Mes premières douleurs sont nées avec eux. Le sang, les larmes, la sueur ! des cris, aussi ! beaucoup de cris ! Les cris zébraient l'obscurité comme un éclair sillonnant le ciel avec tous ses astres et ses nuages ; les coups pleuvaient au milieu d'une tempête dulivienne qui semblait fondre sur les plaines ; le sang coulait, sur le sol, formant une flaque aux contours étranges : des gouttes tombaient une par une.
Des rugueuses phalanges qui mordent une joue. Des poings d'acier qui broient des os pour en faire du sable. Des coudes qui s'enfoncent dans une gorge étroite, serrée, d'où s'échappe des cris étouffés pleins du goût de la peur. Des mains comme des enclumes qui écrasent une généreuse poitrine, une poitrine de femme, dans laquelle dort un cœur. Des yeux révulsés tournés vers le ciel, priant que sous les dents cassés, les os brisés, l'âme trouvera seule un chemin. Voici mes premières douleurs.
Un homme aux pieds de plomb et à la colère légère. Un corps brisé. Brisé par les coups. Les coups qu'il lui donnait était aussi les miens. Sonnée. Étourdie. Comme après avoir reçu un coup de poing dans la figure. J'ouvre les yeux. Noir. Du noir autour de moi. Qui m'enveloppe, m'étreint et m'effraie. Petite fille effrayée. Une petite fille vit en moi : elle est dans le noir et elle a peur. Je n'ai jamais réussi à consoler cette petite fille parce que la femme n'a jamais voulu la regarder en face. Elle était trop moche, trop horrible, trop sale. Je ne voulais pas la voir, mais elle pleure, elle crie, elle s'agite et fait trembler mon cœur.

Cœur briséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant